4 décembre 2015
Chut, la République n’a plus sa place

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Mediapart, Democracynow et JimLePariser, même combat. Avec plus de 2200 perquisitions administratives depuis l’instauration de l’état d’urgence et des militants écologistes traités comme des criminels avec obligation d’aller pointer trois fois par jour au commissariat comme l’a montré un reportage de France 2, voilà l’instauration sournoise pour des milliers de personnes d’un Etat de non-droit, avec pour dernière illustration, l’affaire que l’on peut appeler celle de « La place de la République »qui, depuis dimanche dernier n’a eu quasiment aucune répercussions au niveau de la Place Beauvau. Et pourtant, Bernard Cazeneuve a du répondre mardi dernier aux députés comme Noël Mamère qui ont été sidérés face aux exactions commises par les forces de la police.

Que reste t-il de la gauche?

Sous un gouvernement de droite, le Ministre de l’Intérieur aurait certainement sauté. Oui, mais voilà on assiste jour après jour à une complaisance des plus dangereuses au sein de la gauche et accessoirement de ceux qui nous gouvernent; dangereuse, car elle ôte tout espoir aux électeurs qui ont élu Hollande en mai 2012. Et ne manqueront pas de le sanctionner dimanche prochain avec cette idée que voter à gauche, Pourquoi faire? Vous défendez votre job chez Air France, en mettant une main sur le dos d’un dirigeant, et vous voilà quarante huit heures en garde à vue et « viré sans délai, ni droit à l’ancienneté » comme en témoigne un des « voyous » comme les a appelé Manuel Valls (à voir dans un reportage édifiant de Pièce à conviction diffusé ce jeudi soir sur France 2).

Etat d’urgence oblige, chaque citoyen français peut désormais être interpellé sans ordonnance pénale ni la possibilité de se plaindre ensuite devant la Cour Européenne des droits de l’homme. Alors tandis que François Hollande est crédité de plus 8% d’opinions favorables, son Ministre de l’Intérieur a « haussé » le ton ce mardi à l’Assemblée et affirme « avoir pris toutes les précautions » dimanche dernier pour rétablir l’ordre place de la République. « Nous avons été fermes et nous le demeurerons » face à « plusieurs dizaines d’individus cagoulés et masqués » lors d’une chaîne humaine pacifiste, en marge de la conférence COP21. Plusieurs dizaines d’individus, alors pourquoi 341 interpellations, dont 317 se sont soldées par des gardes à vue de 24 heures? « C’est ça les socialistes, la honte » entend-t’on crier une femme sur la vidéo ci-jointe édité par Taranisnews.com où l’on peut voir des étrangers, des femmes  et des plus vieux se faire repousser violemment par les CRS qui n’hésitent pas à écraser les bougies autour de la statue de la République

Des CRS sur les dents dès dimanche matin

JimLePariser a rencontré Awen, 20 ans, auxiliaire de puériculture à Gentilly-ils passe donc sa journée à s’occuper de bébés- qui fait partie de ces 317 hommes et femmes qui ont pu goûter aux délices de la garde à vue, étant juste venu pacifiquement tenter de faire une mini-marche pour le climat. Sympathisant écolo mais de « bien d’autres choses aussi comme la lutte contre les sida ou la prostitution », il était présent dès 11 heures ce dimanche pour la chaîne humaine-autorisée par la Préfecture de Paris, avec l’association 99% Stand for climate. Arrivé à midi place de la république pour participer à la manifestation organisée en parallèle par des association appelant à se mobiliser autour de l’interdiction faite à la marche pour le climat , laquelle a été habilement décidée à J-4 de la COP21 au nom de l’état d’urgence promulgué le 14 novembre dernier. « Déjà, à cette heure là toutes les rues avoisinantes de la place étaient investies par les camions des CRS, je me suis dit que ça sentait pas très bon, avant d’ajouter que la place s’est ensuite remplie, les personnes présentes écoutant les discours des differents collectifs présents, « avec quelques temps morts que les personnes sur place ont meublé en commençant à tourner sur place, en créant des slogans comme si on ne marche pas, ça ne marchera pas »Là, il s’interrompt et conclut avec un grand sourire: « Toute la manif était vraiment bon enfant »avant que lui et ses amis ne se dirigent vers une rue où un barrage de CRS était placé. Là des casseurs en cagoule ont commencé à faire voler une bouteille et j’ai commencé à me dire que ça risquait de déraper. La police a alors vraisemblablement eu l’autorisation d’utiliser « leur matériel pacifiste », car on a reçu des grenades assourdissantes ». 

« J’ai éclaté en sanglots »

Il est 15 heures et Awen revient sur la place où « une quinzaine de casseurs assez bien organisés » commencent à lancer des bougies du mémorial sur les forces de l’ordre.  » C’était très impressionnant; j’étais avec des amis dont c’était la première manif qui ont commencé à pleurer avec les bombes lacrymo. A un moment, il y a eu tellement de fumée qu’on ne pouvait plus rien voir; je suis alors descendu dans métro qui était fermé et j’ai  éclaté en sanglot. Je comprenais pas pourquoi on pouvait nous traiter comme ça. Mes potes m’ont consolé, et on y est retourné. Avec les caméras autour de nous, je me sentais protégé mais un CRS m’a bombé la gueule et on a tous été viré alors qu’on tentait de proteger le mémorial par les CRS qui ont eux pietinné toutes les bougies pour nous taper dessus ». Awen et les jeunes manifestants autour de lui sont alors repoussés vers le boulevard de Magenta. « C’était encore à ce moment là une super ambiance, on envoyait des fleurs sur les CRS, on chantait, certains faisaient des acrobaties. Et moi, j’ai été discuter avec des CRS pour leur dire que ce que l’on faisait pour le climat, c’est aussi pour leurs enfants qu’on le faisait, et qu’on avait besoin d’eux. » La suite ressemble à un mauvais film: les CRS ont commencé à percer le groupe de manifestants pour les isoler. « J’ai tenté de m’opposer à ce qu’un homme soit embarqué mais avec mon physique de crevette, j’ai pas pu faire grand chose ». Coup de pieds dans la cuisse, coups de matraques dans le dos, ils seront quatre CRS à le trainer au sol, « pendant que mes copains criaient: Awen, on t’aime ». Et le jeune homme de conclure: « Ils sont dans la violence, nous on est dans l’amour ».

Des bleus et une nuit au poste

Sauf que cette violence l’a amené de 17 heures à 15 heures le lendemain matin au commissariat Maubert Mutualité, avec une fouille réglementaire, l’obligation de se mettre en slip devant les policiers et dormir à dix dans une cellule de 11m2 avec de rares couvertures « comme des couches de bébé, j’ai vraiment eu très froid ». A deux heures du matin, il a pu voir un médecin qui ne lui a même pas fait un certificat médical pour constater ses bleus et enfin, lundi « on a été libérés après notre déposition devant un officier de police judiciaire en signant qu’on avait été arrêtés à 15 heures, soit deux heures avant l’heure réelle comme si ça avait été prémédité… ». L’injustice, l’humiliation, la privation de liberté, Awen regrette-t’il son engagement aujourd’hui? «  Pas un instant, car je sais pourquoi je me bats; ils pourront me faire ce qu’ils veulent, je continuerai même si je me réincarne dans une autre vie à avoir les mêmes convictions. D’ailleurs, en sortant du commissariat, j’ai salué le flic en lui disant: à la prochaine! »

Par Laetitia Monsacré

 

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Voilà Awen, pas vraiment la tête d’un casseur…

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