28 décembre 2016
Vivement 2017 ?

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A quelques jours du nouvel an, alors que s’ouvre la trêve des confiseurs, pause bien reposante dans cette campagne présidentielle qui depuis déjà tant de mois occupe nos écrans, nos radios, nos journaux, nos discussions, il serait peut-être judicieux d’observer un instant de silence, de regarder l’état de la situation et de faire un peu de prospective. Alors que d’ici quinze jours la litanie des vœux va commencer, mêlant à la fois diagnostics déprimants et promesses de jours meilleurs, alors que d’ici un mois le candidat de la gauche de gouvernement sera désigné par une primaire à la participation et à l’issue incertaines, alors que François Fillon, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron et quelques autres se sont déjà mis en branle et sont prêts à passer la seconde, demeurent quelques incertitudes. Le cas François Bayrou, la présence improbable de Michèle Alliot-Marie, les contradictions idéologiques du Front National, la possibilité du rejet de Manuel Valls par le peuple de gauche, la peur du libéralisme proclamé des Républicains, l’énigme Macron, l’insoumission de la gauche radicale sont les éléments d’un suspense qui – ils l’espèrent tous – nous tiendra en haleine jusqu’en mai prochain. Mais pour savoir ce que nous réserve 2017 sans doute faut-il s’imprégner de l’atmosphère de cette fin 2016. Et force est de constater que la France se raidit de plus en plus ! Après cinq ans de mollesse, les citoyens semblent réclamer de l’autorité, quitte à installer le pays dans une sorte de formol moral dépassé et hélas insuffisamment combattu !

Débats moraux nauséabonds

Depuis la primaire de la droite, la campagne est faite de controverses qui remettent au goût du jour des débats nauséabonds, passéistes et improbables ! C’est à se demander quelques fois si nous sommes bien en France, presque déjà en 2017 ! Ou alors c’est à se demander à quel point il existe une France inconnue, silencieuse dont les échos renvoient à d’autres temps, d’autres mœurs, d’autres habitudes. Cette fin de précampagne, comme l’automne, se traîne en langueur et prend une teinte moisie, faite de relents insupportables et de débats insensés. Comment peut-on se déchirer sur le droit à l’avortement en 2016 ? Comment peut-on vouloir soustraire un droit, des droits à des femmes et des hommes sous prétexte de leur orientation sexuelle ? Comment peut-on ne pas s’interroger face au choix douteux de rejeter les études sur les discriminations envers les femmes et les minorités, les gender studies en leur ôtant des subventions et un soutien indispensable au risque de priver l’université et la recherche françaises d’une modernité et d’une excellence si nécessaires dans le monde compétitif d’aujourd’hui ? Comment ne pas s’inquiéter d’une volonté manifeste d’instaurer non pas un nouvel ordre moral mais de faire en sorte que prévale un modèle défini, unique et hors du temps ? Comment ne pas s’inquiéter que les femmes, une fois encore, soient en première ligne dans la remise en question de leur liberté, dans le questionnement de leurs droits à être, à agir, à sortir, à disposer de leur corps ? Comment ne pas s’inquiéter que des hommes responsables et qui aspirent à plus de responsabilités encore puissent favoriser, encourager, banaliser toutes ces régressions. Comment ne pas être choqué par l’irruption de la foi de François Fillon dans son rapport à la société ? Comment ne pas être choqué par les propos de Marion Maréchal-Le Pen sur le déremboursement de l’IVG si loin des idéaux fondamentaux de la France et de sa jeunesse ? Comment ne pas condamner les propos de Benoît Hamon sur la présence des femmes dans les cafés, au risque d’une incorrection historique et d’une banalisation criminelle d’un état de fait qui exclut la diversité, l’altérité et entache la liberté des femmes ? Il est savoureux de voir à quel point cette gauche qui se veut progressiste, toujours plus moderne et sans cesse moralisatrice est déconnectée de la réalité sociale !

Une primaire inutile ?

Voilà bien le problème de la gauche ! A force de se draper de belles intentions, à force de refuser de soulever certains débats, à force d’être dans le déni et de réduire ceux qui ne pensent pas comme elle au rang de fascistes, à force de s’être reniée, à force de promesses et de politiques défuntes, la gauche court droit dans le mur. Il est quand même étonnant que tous ne se rendent pas compte de leur illégitimité, de la méfiance qu’ils suscitent et de peu de crédit qu’on leur accorde ! Voilà bien le terrible constat : la gauche ne suscite plus l’espoir ni la confiance ! Comment croire Manuel Valls lorsque dans son costume de candidat, il rejette les actions qu’il a lui même effectuées en tant que Premier ministre ? Comment croire Vincent Peillon lorsqu’il parle d’avenir, lui qui semble se demander ce qu’il est venu faire dans cette galère ? Et puis, au risque de se répéter, à quoi bon concourir et demander aux électeurs de gauche de venir désigner celui ou celle à qui, selon les dernières études, semble destinée la cinquième place au premier tour de la présidentielle !

Alors que se passera-t-il fin janvier 2017 ? Qui sera désigné ? Aucune idée. A se demander même si cela a de l’importance ! François Fillon et Marine Le Pen doivent prendre garde à ne pas croire que le match est déjà joué pour la qualification au second tour ! Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon sont en embuscade afin de représenter les deux nouveaux espaces du centre gauche et de la gauche. François Bayrou conscient de sa faiblesse ralliera-t-il Macron ? François Hollande, Ségolène Royal et quelques autres se rallieront-ils à Manuel Valls si ce dernier gagne la primaire ? Tant et tant d’incertitudes qui trouveront leurs réponses durant les cinq prochains mois. En attendant, entre la bûche, le champagne et les huîtres, méditions cette maxime de Napoléon Bonaparte : « Rien ne marche dans un système politique où les mots jurent avec les choses ».

Par Ghislain Graziani

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