18 novembre 2023
Que reste-t’il de nos cinq ans?

« C’est bien que ça ait existé. »Yannick, gilet jaune à l’année car éboueur, a les yeux qui brillent à l’évocation de cet acte I du 18 novembre 2018 qui a marqué il y a cinq ans le début de ceux qu’on a vite appelés les gilets jaunes. A l’origine un mouvement venant des « sans dent » ou encore de la France qui se lève tôt qui a surgi suite à l’arrivée de la taxe carbone. Le sans plomb 95 venait de dépasser les 1,50 euros le litre, il est aujourd’hui proche des deux euros. Et la fin du monde contre la fin du mois n’a jamais été aussi vivace qu’en ces temps chahutés par le climat, entre sécheresse cet été et inondations en ces mois autonmals. Rajoutez l’inflation avec des steaks hachés qui se vendent avec un antivol dans la grande distribution et vous aurez normalement une révolution; les riches sont devenus ultra riches à l’image de Bernard Arnaud désormais homme le plus riche du monde ( 191,2 milliards de dollars selon Forbes en 2023) qui, en donnant 10 millions d’euros aux Restaurants du coeur, s’offre un coup de pub correspondant à une poignée de pièces jaunes. Mais non, rien ne vient. Priscilla Ludovski, à l’époque une anonyme à l’origine de la mobilisation est annoncée candidate coté écologiste pour les prochaines élections européennes tandis que certains la dise en vacances en Thaïlande. Et à part Libération qui leur consacre sa Une et cinq pages, médias et citoyens ne sont pas nombreux à se souvenir de ce qui fut un séisme social et politique que d’aucuns ont traité de poujadistes. L’expression, une fois encore, d’un mépris solidement ancré de l’élite pour le « peuple »-ceux là même que l’on applaudissait un an plus tard tous les soirs à 20 heures lors de la pandémie de COVID; les mêmes qui ont tenté l’an dernier- sans succès- de s’opposer à la reforme de leur retraite. Alors le dernier quotidien dit de gauche, relaie aujourd’hui la désillusion qui a gagné ces milliers d’hommes et de femmes qui ont cru chaque dimanche pendant l’hiver 2018 aux jours meilleurs.

Des métropoles aux banlieues

« La démocratie n’existe plus » se désole Denis, retraité dans le Lot et Garonne tandis que Jacques, agent territorial résume joliment s’être senti « comme une fleur face à un rouleau compresseur ». Car, outre la solidarité et l’enthousiasme des rond-points, ils ont tous le souvenir de la répression sauvage des forces de l’ordre qui, en lançant sur eux des flash-ball, s’esclaffaient « a voté ». Bilan, des dizaines d’éborgnés comme Jean Philippe Laffite, 16 ans à l’époque, qui vient d’apprendre la relaxe du policier qui l’a défiguré à vie. Cela, ce vendredi 18 novembre 2023 où le policier qui a tué à bout portant le jeune Nahel, un adolescent franco-algérien de 17 ans, le 27 juin 2023, a été relaché. Un « assassinat » qui avait été à l’origine d’émeutes dans la France des banlieues, bien loin des quartiers chics parisiens. C’est là la leçon à retenir de ces deux événements: une France des « riches » métropolitains face à une France rurale ou banlieusarde, des inaudibles aux laissés pour compte qui hurle, non sans violence, « Ecoutez-nous ». Sinon, Noël sera bien, cette année 2023, le 25 décembre.

Par Laetitia Monsacré

Ce samedi matin, 7 heures, la France qui se lève tôt

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