9 décembre 2016
Le défi de Manuel Valls

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Circonspection. Voilà bien le mot qui convient face au défi qui attend le désormais ex Premier ministre. Et c’est un défi de taille : gagner la primaire ! Circonspection car si l’homme est sans aucun doute respectable, ses manœuvres pour empêcher le Président de la République de concourir à un second mandat tout comme sa politique économique et sociale décriée et qui ferait passer Jean Jaurès, Léon Blum et François Mitterrand pour de dangereux gauchistes l’installent dans une sorte de porte-à-faux à la fois moral et idéologique. Comment convaincre la gauche, le peuple de gauche lorsque l’on a si peu été de gauche durant tant d’années au pouvoir ? Comment susciter la confiance lorsque la politique menée a été si peu fidèle aux engagements de la campagne de 2012 ?

La gauche a-t-elle encore un sens ?

Nous ne sommes pas experts en doctrine mais le quinquennat de François Hollande dont Manuel Valls est depuis mai 2012 en tant que ministre de l’Intérieur et avril 2014 en tant que Premier Ministre l’un des principaux sinon le principal protagoniste, est bien loin d’avoir été un quinquennat marqué à gauche, généreux, favorable aux salariés, prompt à répondre aux errances sociales provoquées par le chômage, la crise, la mondialisation. Les valeurs de protection, d’assistance, de partage, de redistribution que porte la gauche se sont perdues au fil des années. Certes les contingences politiques, économiques et sociales, les enjeux du monde, la nécessaire compétitivité, la concurrence internationale, ont du obliger les deux têtes de l’exécutif à faire des choix contestables. Ils n’ont pas voulu briser la matrice et se sont perdus, eux aussi, dans les méandres de ce ventre mou de la politique, ce maelström faussement social teinté de rose, teinté de bleu, ce social-libéralisme aberrant qui ne répond en aucun cas aux attentes des français et à leurs suppliques pour plus de justice et pour un pays plus fraternel. Si les anciennes grandes figures du socialisme français doivent faire les derviches tourneurs dans leurs tombeaux en écoutant les propositions et les positions de Manuel Valls, nous regardons ca avec inquiétude. Avec incrédulité aussi car Manuel Valls ne manque pas de culot en célébrant François Hollande après avoir précipité sa paralysie, en célébrant le rôle du Parlement après avoir usé maintes fois du 49.3. Si l’on était mal intentionné, on penserait à cette saillie de Bernard Blier, prononçant du Michel Audiard : « J’en ai déjà vu des faux-culs mais vous êtes une synthèse ».

Briser le logiciel de la gauche

C’est en proclamant qu’il entendait briser les logiciels et les habitudes que François Fillon a su gagner la primaire de la droite. Si Manuel Valls veut espérer avoir la moindre chance de gagner celle de la gauche, il doit lui aussi effectuer un aggiornamento de sa propre politique et se proposer de briser les leviers habituels, avec des solutions de gauche, plutôt que de se mettre dans la posture stérile du bilan assumé et de la continuité. Il perdra a coup sur s’il manque d’audace. Il perdra a coup sur s’il n’installe pas l’idée qu’il a un projet, réel et pas que les belles paroles creuses de son discours de candidature. Il perdra à coup sur s’il ne donne pas envie, s’il ne se dégage pas de son propre bilan. Mission impossible ? Oui parce qu’il ne peut se défaire de sa politique, de sa manière de gouverner, des brutalités sociales consécutives à ses choix. Ses adversaires le savent bien et tous vont tenter de le réduire à son côté droitier, à sa rigidité, à son cap mille fois défendu mais si contestable. Mission impossible ? Non parce que ses adversaires sont, eux aussi, comptables d’une partie du bilan, parce qu’ils n’ont su que s’opposer sans proposer de véritables solutions de rechange, parce qu’ils n’ont pas su se départir d’une vision nécrosée de la gauche. Mais toute cette bataille a-t-elle un prix ? Vaut-elle réellement que tous s’y engouffrent ? Tout ça pour finir troisième ou quatrième au premier tour ?

Soyez honnêtes, vous jouez déjà le coup d’après. La primaire de la gauche de janvier 2017 n’est en un sens qu’un congrès socialiste sans huis clôt et qui ne sert qu’à préparer l’après défaite, la prise de contrôle du parti socialiste et à revendiquer un leadership en vue de 2022. On est bien loin des préoccupations des français !

Par Guislain Graziani

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