28 janvier 2017
Gare à la colère du peuple !

Comme l’écrit Richard Bohringer : « La colère, ça fait vivre. Quand t’es plus en colère, t’es foutu ». Alors soyons en colère ! Soyons en colère pour ne pas être encore plus foutus que nous ne le sommes déjà ! Soyons en colère pour ne pas mourir ! Soyons en colère pour essayer de reprendre en main le destin de notre pays ! Soyons en colère contre tous ceux, marchands de rêves absurdes, purgeurs de carnaval et apothicaires de malheur, qui, à longueur de journées, nous imposent leurs conduites irresponsables et qui contreviennent en tout point à la morale publique !

Colère contre la gauche

Que cela soit lors du débat de l’entre-deux tours, ou lors des derniers meetings de cette campagne inutile, la gauche socialiste n’a cessé de s’invectiver elle-même, de faire preuve d’un cruel manque d’honnêteté intellectuelle et d’engager des promesses impossibles à tenir. Jeudi soir, à Montreuil, dans un palais de congrès glacial, que même la ferveur des 3500 militants venus écouter Benoît Hamon n’arrive pas à réchauffer, il n’a été question que d’utopie. L’utopie comme projet de société. L’utopie comme ambition spirituelle. L’utopie comme expression du possible. Citant Jaurès et bon nombre d’économistes, le candidat favori du second tour de la primaire n’a fait que s’exposer lui-même dans une sorte de stand-up égotique ! Pêle-mêle : les 32 heures, la fin du travail, le refus de l’austérité, l’amplification des déficits, le revenu universel, la laïcité réinventée, la 6ème république, le rejet de la politique de Valls et Hollande ! Tant de belles paroles ! Une collection de chevaux de bataille insensés qu’il ne pourra jamais mettre en œuvre ! Clou du spectacle, l’expression répétée inlassablement : « Quand je serai Président de la République ». On s’étrangle, comment peut- il ne pas s’apercevoir de l’irréalité de ses paroles ! Colère donc contre ces deux hommes, parce que Manuel Valls n’est pas en reste ! Colère contre ces deux hommes qui se présentent comme deux hommes providentiels, seuls capables de sauver la gauche, seuls capables de l’incarner ! Mais au risque de se répéter, la gauche est ailleurs ! Alors pourquoi tout ce barouf ? Pourquoi toute cette hypocrisie ? Il faut bien qu’ils jouent des coudes pour survivre au cataclysme qui les attend le 23 avril 2017. En attendant, la colère grimpe, monte, grandit, s’asphyxie de poison parce que ces hommes ne s’occupent que d’eux-mêmes ! Ils agitent des chiffons rouges, se posent en parangons de vertu et nous renvoient au visage nos errances politiques en nous culpabilisant ! Honteux ! Colère donc contre cette gauche qui évolue déjà en seconde division mais qui imagine le peuple trop stupide pour s’en rendre compte ! Lamentable !

Colère contre la droite

Le vainqueur de la primaire de la droite et du centre est dans une bien mauvaise passe ! Une campagne qui s’essouffle, des soutiens bien peu impliqués et des militants inquiets conjugués à une morgue toute giscardienne, hautaine et elle aussi culpabilisante, vraiment cela n’augure rien de bon pour François Fillon. Allez hop, à la trappe, la probité, l’austérité, l’honnêteté, le courage, l’effort, le mérite, la valorisation du travail. Allez hop, à la trappe, la responsabilité, la campagne irréprochable, la dénonciation des passe-droits, l’idée même d’une rigueur morale ! Peut-être toute l’histoire étalée en place publique par le Canard Enchaîné n’est elle qu’une « boule puante » – outil de campagne bien utile pour ternir l’image d’un candidat – mais le mal est fait. Le soupçon s’est immiscé dans la campagne de François Fillon et sa réputation est entachée. Que le travail d’attaché parlementaire de sa femme soit reconnu par la justice, restera l’idée d’un travail aux conditions idéales, bien loin de l’usine ou des cadences horaires de nombre de salariés français. Restera l’idée d’un travail assez peu fatiguant payé grassement, très grassement. Trop grassement pour ne pas susciter la colère de celles et de ceux qui triment tous les jours et qui jamais ne verront les mêmes sommes sur leurs fiches de paie. Colère donc car réside dans toute cette affaire l’idée d’une classe supérieure qui détient tous les droits, qui profite du système et de sa position au mépris des règles élémentaires de la morale. Alors que tant de citoyens rament pour joindre les deux bouts, vivent pour la plupart des mois qui ne durent que trois semaines, le spectacle des ces rois du pétrole profitant sans vergogne de l’argent public est une blessure que le candidat de la droite aura du mal à soigner.

Colère contre nous mêmes

Emmanuel Macron et ses frais de représentations sont, eux, passés à la trappe médiatique avec une indulgence suspecte ! Cette indulgence doit nous mettre en colère. Ce « deux poids, deux mesures » doit être dénoncé. Dénoncer les médias mais avant tout dénoncer ceux qui ne sont pas dignes de notre confiance. Nous devons être en colère contre nous mêmes car après tout ce personnel politique est issu de nos choix. Nous les élisons, nous les réélisons et d’une certaine façon de par notre manque de mémoire et notre manque, bien latin, d’une éthique stricte, nous les autorisons à se croire au-dessus des lois ! Colère donc contre les habitudes françaises, contre cette prime à la casserole si pernicieuse pour la santé de notre démocratie, contre notre détachement insensé !

Mais cette colère nous devons la combattre sans quoi elle nous conduira tout droit vers la dénonciation stupide et la volonté de couper des têtes qui font le lit du populisme. Ces hommes et ces femmes de gauche et de droite de par leurs agissements envoient la France tout droit dans les bras du Front National. Nous mêmes, si nous n’essayons pas de changer la matrice de notre pensée et si nous n’écoutons que nos premiers instincts nous embrasserons sans difficulté l’antienne du « tous pourris ». Cette antienne aussi absurde que fausse, aussi stupide que dangereuse. Tentons donc de faire perdre ceux dont l’engagement n’est pas compatible avec la morale. Seule solution pour qu’ils ne nous entrainent pas vers des choix dangereux qui n’auraient pour conséquence que de tous nous faire perdre !

Par Ghislain Graziani

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