4 novembre 2016
Un second round pour rien ?

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Jeudi 3 novembre 2016, 20h30, salle Wagram, tout est prêt pour la reprise du combat. Laurence Ferrari nous prévient que de nombreux matchs de boxe se sont déroulés dans ce lieu. Une minute de direct, on vient déjà de comprendre l’angle et l’ambition de la soirée : un concours d’uppercuts et de crochets, du sang, de la sueur et une bonne dose de haine ressassée, bref tout ce qu’il faut non pas pour que les candidats nous éclairent sur leurs ambitions mais bien pour que BFM et I-Télé puissent enregistrer une bonne audience. Surtout ne pas revivre un débat aussi soporifique que le premier ! Non, il faut de l’action, des accrochages, de baffes et des beignes. Une bonne castagne, parce qu’après tout ce que ces six hommes et cette femme nous racontent a assez peu d’importance. Et pour assurer le spectacle rien de mieux qu’une bonne proie mise en pâture au centre de l’arène. Victime toute choisie : Nicolas Sarkozy ! Victime expiatoire qui permet à tous de se démarquer, de taper et de se revêtir d’un blanc manteau comme s’ils n’avaient jamais gouverné ensemble ! Allez la cloche retentit, chacun sort de son coin, s’accroche à son pupitre et les hostilités démarrent ! Les migrants, les accords du Touquet ! Ca pleut dru ! Haro sur Sarkozy !

Cour de récréation

Le pugilat vire pourtant assez vite à l’ennui et à la bagarre enfantine ! Le public aphasique derrière les candidats ne permet pas de réchauffer une ambiance qui malgré quelques subterfuges reste tendue et hargneuse. Ces sept là ne s’aiment pas mais ont une ambition commune : le salon doré du premier étage de l’Elysée ! Alors certes ça se tutoie, ça s’appelle gentiment par le prénom, ça fait des courbettes et des effets de gentillesse ! Tout est feint mais ça assure un minimum d’urbanité. Aucun n’ose contredire NKM lorsque elle recadre tous ces messieurs sur le fait que les femmes ne sont pas une diversité et que leur vision masculine de la parité est surannée. Elle est plutôt bonne ! Petit à petit elle s’assure sans doute une option franche sur l’hôtel de Matignon. Juppé président, NKM premier ministre voilà ce qu’on nous vend. Les cinq autres ? Absents, dépassés, renvoyés à leurs déclarations et leurs erreurs. Sarkozy se fait tacler de toutes parts. Il a perdu en 2012, tout est de sa faute, il est donc illégitime. Pourtant aidé d’une façon assez peu discrète par Ruth Elkrief et Laurence Ferrari, qui toutes deux renvoient les concurrents de l’ancien président de la République à leur statut de subalternes, jamais il n’y arrive. Crispé, intransigeant, dur dans ses réparties et dans ses propositions, on sent bien qu’il joue déjà le coup d’après, celui du siphonage des voix lepénistes. Mais comment jouer le coup d’après si il perd celui-ci ? Ce pari fou lui donne pourtant auprès des militants une image de sérénité et de confiance. Car, oui, malgré tout, il est confiant. Lui a été président – belle manière de rabaisser encore tous ses acolytes – mais les autres ne tardent pas à lui faire remarquer sa défaite, sa promesse de ne pas revenir et donc son inconsistance ! Ca joue des coudes : « je serai le président de ceci, de cela », « je ne ferai pas ci, je ne ferai pas ça », ça fait de belles promesses, ça adopte des postures et ça attaque violemment François Hollande, véritable deuxième punching-ball de la soirée ! Une belle bataille d’égos en somme mais peu de fond. Fin de la première reprise !

Western spaghetti

Pas de KO, mais déjà quelques marques bleutées. Fillon, excellent par ailleurs mais les yeux dans le vague et pas assez offensif, Jean-Frédéric Poisson passerelle sublime avec le Front National et eurosceptique patenté, Bruno Le Maire avec cravate mais encore plus vieux qu’au débat précédent et enfin Jean François Copé qui régale l’auditoire d’une leçon de martyrologie bien léchée mais sans doute inefficace ! Début de la seconde reprise. Après les bambins, voici l’heure des cow-boys ! Des Lucky Luke à la gâchette facile et une Ma Dalton dont l’autorité n’est pas questionnable. Sujet éminemment sensible et sérieux : la lutte contre le terrorisme et la sécurité nationale et quotidienne. L’arsenal n’est pas nouveau : prison, fichage, suppression de l’ordonnance de 1945 sur les mineurs, déchéance de nationalité, rehaussements des peines, double peine, lutte contre la délinquance, moyens supplémentaires pour la police, pour la justice, et pour le système pénitencier. Pas de tendresse mais de la fermeté, de l’autorité et des claques violentes à François Hollande et Bernard Cazeneuve. Des reproches atténués par les contradictions de la droite. Allez hop ca tape à nouveau sur Sarkozy et ca se chamaille sur l’erreur qu’a été la diminution des effectifs de la police. Jean-François Copé y va allègrement d’ailleurs ! Mais que diable n’étaient-ils pas tous d’accord sur cette baisse ? N’ont-ils pas travaillé de 2007 à 2012 la main dans la main ? L’excuse de la crise de 2008 est savoureuse, décidément ils ne sont pas sérieux. Petit tacle des journalistes sur l’identité heureuse défendue par Alain Juppé qui les renvoie dans les cordes. Le vieux sage ne se laisse pas piéger si facilement. Et nous, pauvres béotiens, on se demande s’ils seront capables de nous éviter d’autres attentats ! En tout cas s’ils voulaient nous foutre la pétoche, ils ont réussi.

Tambouille interne

Après ce climax angoissant et suffoquant, retour pour la fin de la partie à des questions presque plus essentielles : à qui doivent-ils parler ? François Bayrou ou Marion Maréchal-Le Pen ? Voilà une belle fin de débat ! Voilà un bon sujet que les journalistes sur le plateau décident de mettre à toutes les sauces reposant sans cesse les mêmes questions. Comment dire? On s’en fout! Les tripatouillages, les investitures aux législatives, les débats picrocholins, la qualité de débat baisse d’un cran, retour en cuisine ! Les combattants s’écharpent : « C’est ta faute », « non la tienne », « c’est toi qui a commencé », « le monsieur du Modem il est méchant, il nous a fait perdre en 2012 ! ». Dans cette colonie de vacances, seul un se démarque : le proviseur Fillon apparemment exaspéré. Mais trop tard François ! L’image du « père tape dur » n’est pas vendable ! Le gaullisme n’est plus très excitant. C’est trop loin, trop flou. Même au Front ils sont gaullistes ! Le ni-ni, sa paternité, sa défense, son rejet, le front républicain, une belle perte de temps mais ça a l’air de leur plaire, ils peuvent se taper dessus ! Et peuvent tous exprimer avec vérité que Hollande ne sera pas au second tour ! Ah cette terrible tendance à l’immodestie !

22h49, ça sent la fin, certains sont déjà fatigués, ébranlés, d’autres rayonnent, certains de leur stature et là Laurence Ferrari introduit un dernier sujet de débat. Une sorte de dernière reprise avec s’il vous plait : « la mère des batailles : l’éducation nationale » ! A onze heures moins dix, on se marre ! Non ce n’est pas sérieux ! Un quart d’heure de solutions de droite : autonomie, fin du collège unique, sélection, test, maitrise des fondamentaux, et zou, on en peut plus ! 2,9 millions de téléspectateurs ! Espérons que la prochaine fois sera mieux ! Sinon ça sera encore un jeudi soir de foutu !

Par Ghislain Graziani

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