7 septembre 2012
Le  In et le Off

Les rentrées littéraires, comme chaque année, ont un point commun avec le Festival d’Avignon. In et Off.

Côté In, les « incontournables » dont on parle dès le mois de mai, au moment où les journalistes commencent à recevoir les livres déjà fabriqués et dédicacés par les écrivains. Les pronostics des Prix cavalent, on est déjà certain que le Goncourt sera attribué à untel, et au cours des déjeuners de préparation de rentrée, entre journalistes et attachées de presse et/ou éditeurs, tout est joué… Ou presque ! Dès la mi-août ces « must read »  sont en pile dans les meilleures librairies alors que l’on est encore allongés dans un transat, loin du tumulte littéraire. Les programmateurs des émissions de radios et de télévisions rentrent après le 15 aout, les animateurs souvent une semaine après. Les mensuels ont été bouclé en juin ; ceux de la rentrée littéraire In qu’on découvre dans les kiosques début septembre affichent déjà le mois d’octobre sur leur couverture. Cette année Amélie Nothomb sort son 21èmeroman,  Barbe Bleue  chez Albin Michel, Philippe Djian,  Oh !  chez Gallimard, Pascal Quignard, Les désarçonnés  chez Grasset, Lionel Duroy,  L’hiver des hommes chez Julliard et six cent quarante-deux autres romans dont je vous épargne la liste complète sur ce billet. A mon grand plaisir, Grégoire Delacourt demeure n°1 des meilleures ventes dans les listes de l’Express début septembre avec « La liste de mes envies » chez JC Lattès. Un énorme succès en librairie, la surprise et révélation de ce premier semestre. Les scandales littéraires nécessaire au In passent de Richard Millet  Eloge littéraire d’Anders Breivik   à Christine Angot, Une semaine en vacances chez Flammarion, sans le moindre lien, je précise... La première liste du Goncourt tombe : on n’y trouve ni Olivier Adam, Les lisières (Flammarion), ni Aurélien Bellanger, La théorie de l’information ( Gallimard), objets pourtant de toute l’attention médiatique.

Un surhomme pour tout lire

En tant qu’attaché de presse, tous les matins, je feuillette la presse dès huit heures. Je porte donc un regard sur tout ce qui parait dans les principaux titres. La rentrée littéraire In y est logiquement bien présente. Trop ? Mais qui lit tous les titres ? Ou même qui regarde toutes les émissions de télévision, JT inclus, et écoute toutes les émissions de radios ? Sur ce point, personne, j’en suis certain. Seule une vingtaine de titres, de la rentrée In sont entrés sur les fameuses listes de l’Express, de Livres Hebdo (la revue professionnelle de l’édition), du Nouvel Observateur et du Point.

Tout cela pour vous dire que finalement je suis résolument off sur cette rentrée. Je n’ai parcouru aucun des livres cités ci-dessus et ne porterais donc aucun jugement quant à leur contenu. Certes, j’ai lu Laisser les cendres s’envoler de Nathalie Rheims chez Léo Scheer, parce que je participe au lancement de ce beau roman, sombre et pudique. Ou encore celui de Serge Joncour,  L’amour sans le faire ( Flammarion) à la si forte plume, parce que j’ai eu la chance de l’avoir pour mes vacances cet été, et ne cesse depuis d’en parler autour de moi. Récemment aussi, j’ai apprécié le roman de Pierre Szalowski, Mais qu’est-ce que tu fais là, tout seul ?, un roman tendre et drôle, aussi parce que nous allons bientôt partager un café littéraire au salon du livre de Nancy où je redeviendrais auteur avec mon livre Au pays des kangourous  (Editions Don Quichotte).

Off, parce que les romans que je défends en cette rentrée littéraire ont bien été comptés dans les 646 romans de la rentrée, mais les articles, s’il y en a (et il y en aura !) ne tomberont pas avant fin septembre, voire première quinzaine d’octobre. Quel critique littéraire peut se vanter d’avoir lu 646 romans ? Un surhomme ? Allez une cinquantaine, déjà, franchement, c’est pas mal. L’overdose de lecture peut arriver à chacun de temps à autre. Les phrases se superposent, les yeux se ferment, et puis une bonne série américaine ou n’importe quel autre dérivatif l’emporte sur la lecture. Mais dans ce off, il y a aussi toute l’attention qu’on peut porter auprès des pépites à découvrir, et je ne parle pas des premiers romans qui font résolument partis de la rentrée In. Non je parle des romans dont les services de presse viennent tout juste d’arriver dans les rédactions ou dans les boites à lettres des critiques littéraires. Egoïstement, j’aimerais bien que Grégoire Delacourt ne soit pas détrôné d’ici la fin de l’année, tout en espérant qu’à la lecture d’une langue magnifique, d’une histoire qui terrasse, émeut, bouleverse, un auteur puisse émerger par la seule grâce de son talent dans cette rentrée littéraire fracassante et souvent intimidante.

Par Gilles Paris

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