5 avril 2012
Pieds nus et tutus

C’est un grand écart que nous offre le Ballet de l’Opéra de Paris en ce début de printemps, entre La Bayadère à Bastille et Mats Ek à Garnier – comme quoi la modernité n’est pas là où on s’y attend… Au demeurant, la chorégraphie de Noureev – datant de 1992, dernière qu’il ait créée et  ultime apparition en public –  fait régulièrement la navette entre les deux maisons, au gré des saisons. Reste que dans le vaste vaisseau de la Bastille, la magnificence des décors se disperse un peu, d’autant que les reconstitutions tendent à faire l’économie des matières plus nobles des premières séries de représentations …mais c’est avant tout pour un festival de portés, de fouettés et de sauts que l’on vient, tout en se laissant bercer par le merveilleux qui entoure les amours contrariées de Nikiya – la « Bayadère » –  et Solor. Et ce ne sont pas moins de deux nouvelles étoiles qui ont été nommées au cours de cette reprise : Josua Hoffalt le soir de la première le 7 mars, et Ludmila Pagliero, quinze jours plus tard, lors de la retransmission en direct dans les salles de cinéma, le 22 mars. C’est d’ailleurs cette toute fraîche promotion qui reprend ce soir le rôle de Gamzatti, la rivale mariée au valeureux guerrier. Il faut dire que notre chère étoile exprime à merveille la jalousie féroce du personnage, sans parler d’une technique exemplaire.
Quelques stations plus loin sur la ligne 8, on délaisse tutus, dorures et cartons-pâtes pour une modernité aussi agressive que captivante dans « Appartement »du chorégraphe suédois Mats Ek, très à la mode en ce moment,comme l’a montré le spectacle de Sylvie Guillem au TCE (voir article). Spécialement conçu en 2000 pour le Palais Garnier, dont il s’amuse à dupliquer le rideau de scène, le spectacle n’a pas pris une ride, et juxtapose des saynètes de la vie domestique, avec une forte dose d’humour, non dénué parfois d’une cruelle amertume. On retient en particulier Marie-Agnès Gillot, idéale interprète pour le répertoire contemporain, la tête dans le bidet, ou encore Clairemarie Osta sortant du four un bébé en plastique. Mais c’est peut-être la marche des aspirateurs qui a le plus fait pour la célébrité de la pièce de Mats Ek – cinq demoiselles en duo imaginaire avec leur aspirateur aussi déjanté qu’électrisant. De quoi, après cela, ne plus jamais avoir le même regard sur la corvée domestique ! Ajoutons une musique formidablement rythmée, jouée par le Fleshquartet et modifiée grâce à l’informatique. C’est sûr, la chorégraphie de Jerome Robbins élégante, mais parfois redondante de la première partie de la soirée, ne résiste pas autant au filtre de la mémoire…

GC

La Bayadère jusqu’au 11 avril à l’ Opéra Bastille– Robbins/Mats Ek jusqu’au jusqu’au 31 mars à l’Opéra Garnier

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