20 août 2013
La musique à la montagne

A l’écart des grandes voies de communication, le massif des Bauges est un havre de nature et d’authenticité blotti entre Chambéry et Aix-les-Bains. Parsemé d’églises, cet écrin préservé accueille depuis quinze ans un festival certes moins médiatisé que les rendez-vous les plus courus, mais d’une qualité qui n’a rien à envier aux plus prestigieux évènements. En témoigne la programmation de la semaine de l’Assomption, placée opportunément sous le signe des musiques mariales.
Créé en 1972 par Sigiswald Kuijken, La Petite Bande est rapidement devenu un ensemble de référence dans l’interprétation du répertoire baroque, et en particulier dans l’œuvre de Bach, dont on entend ce soir quatre cantates consacrée à la Vierge. Une alchimie de rigueur musicologique et de poésie pleine de vie, voilà comment pourrait-on résumer l’esthétique du violoniste et chef flamand, à laquelle le quatuor vocal, plus expressif que lyrique, se met au diapason – la soprano aveugle, Gerlinde Sämann, émeut singulièrement le public.
Si la première cantate, Wie schön leuchtet der Morgenstern, se distingue surtout par une fraîcheur et une simplicité touchantes, la richesse des couleurs de la BWV 10 Meine Seele erhebt den Herren, révèle toute la science harmonique et mélodique du Cantor de Leipzig que Sigiswald Kuijken fait délicieusement frissonner. Ich habe genug BWV 82, fait partie des cantates pour une seul voix – le premier air, avec hautbois obligé, en est resté justement célèbre, interprété par les plus grands barytons. Jan van der Crabben s’attache sans doute trop à souligner les intentions du texte, au détriment d’un legato au naturel altéré. L’intensité de l’interprétation finit cependant par convaincre au fil de l’ouvrage. Vaste composition en deux parties, la BWV 147 Herz und Mund und Tat und Leben s’achève sur le fameux choral Jésus que ma joie demeure, redonné, sans surprise, en bis.

La crise, grande moissonneuse

Hélas, l’excellence des musiciens de La Petite Bande ne leur a pas épargné la faucille budgétaire. Ainsi que l’explique un document glissé dans une jolie enveloppe écru, le gouvernement flamand a décidé de ne plus subventionner l’ensemble. Plutôt que de crier au scandale, Sigiswald Kuijken a choisi de réserver le livre sur Bach que lui a commandé l’éditeur Lannoo  aux souscripteurs qui choisiraient de soutenir  La Petite Bande – à des échelles diverses, entre 160 et 600 euros. Souhaitons au moins du succès à cette initiative originale qui se démarque des cocktails et autres vanités destinées à faire mousser les mécènes – et les banques.

Princesse Nuria

Le lendemain, c’est un autre ensemble baroque bien connu des mélomanes que l’on entend dans l’église d’Arith : le Concerto Köln. Après un concerto de Haendel qui confirme la plénitude sonore de l’ensemble germanique, la Quatrième Concerto Brandebourgeois de Bach offre un bel exemple de virtuosité et de maîtrise – au prix de quelques probables accommodements avec l’orthodoxie, mais l’aisance des interprètes vaut bien ces quelques écarts au dogme. La cantate du mariage BWV 202  Weichet nur, betrübte Schatten, que Bach écrivit alors qu’il était à Cöthen au tournant des années 1720, poursuit ce voyage dans un répertoire plus « profane ». Déjà applaudie sur de nombreuses scènes d’Europe, Nuria Rial contraste par sa vocalité fruitée et généreuse avec les timbres plus austères de la veille. L’aigu s’envole aussi aisément que la soprano sait colorer les atmosphères d’une partition chatoyante. Véritable concerto pour clavier, le Cinquième Brandebourgeois nous conduit vers le Salve Regina de Pergolèse qui referme ce concert. On y reconnaît l’expression directe qui caractérise son incontournable Stabat Mater – les thèmes mélodiques des deux œuvres entretiennent d’ailleurs plus d’une parenté. La soprano espagnole fait remarquablement ressortir l’intériorité de cette prière à la Vierge. Pourtant l’air de Haendel qu’elle  donne en bis rappelle combien l’on a affaire à une authentique chanteuse lyrique, et l’on attend avec impatience un programme, voire un enregistrement, consacré au Caro Sassone, qui réunirait Nuria Rial et le Concerto Köln. Un songe que l’on peut laisser infuser au clair de lune en sortant de l’église…
GC
Festival Musique et Nature en Bauges, du 10 juillet au 23 août 2013
Concerts le 15 août à Saint-Jean-de-la-Porte et le 16 août à Arith.

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