27 décembre 2011
Indulgence et étrennes à l’Opéra de Genève

Planerait-il sur la place De Neuve l’ombre d’une malédiction ? Après les avanies qui ont frappé la Constance de « l’Enlèvement au sérail « le mois dernier, voilà que, à peine installés dans les fauteuils rouges, Tobias Richter, le directeur de la maison, prend la parole pour annoncer que le tenant du rôle-titre, Antonis Koroneos, est souffrant, mais a tenu à assurer la représentation, enjoignant ainsi les spectateurs à faire preuve d’indulgence. Avant-dernier opéra de Rossini, Le Comte Ory est écrit directement sur un livret en français, qui raconte les aventures d’un héritier facétieux usant de déguisement pour séduire les jeunes villageoises – ermite vénérable au premier acte, religieuse égarée  au second. De quoi retrouver les ingrédients qui ont assis la réputation du compositeur italien – tempêtes, finales où les masques tombent, etc – dans des scènes à l’efficacité comique incontestable.

Un pli sans surprise

Giancarlo Del Monaco a eu l’idée de mettre la mise en scène sous pli, en l’adressant à Tobias Richter. L’enveloppe est timbrée à Venise, au mois d’avril – le poids de l’envoi explique sans doute le délai d’acheminement. Engoncé dans un imperméable beige inélégant, un comédien rondouillard tente de détacher la ficelle avant de la couper, retardant les premières notes de l’Ouverture – c’est bien connu, il faut aider la musique de Rossini à porter les gags dont elle regorge pourtant…On découvre alors un château de carton-pâte qui se déplie, à la façon de ces cartes de vœux que vous allez recevoir de cousins et neveux que vous ne voyez jamais dans quelques jours! C’est d’ailleurs avec ce personnage de voyeur, assuré par Emmanuelle Annoni, que la régie s’assure une certaine interactivité avec le public : juste avant l’entracte, celui-ci prend le micro pour rappeler la coutume consistant à laisser une offrande au fonds de solidarité pour les artistes en difficulté. Au moins, avec Noël, les Suisses ont trouvé une parade aux grèves des intermittents. Après la flûte de champagne, le retour du personnage sera plus égrillard, exhibant aux passants sa bedaine rembourrée et son organe pendouillant.

Pas trop de condiments

Quant à la musique, si l’on retrouve les enchaînements habituels du corpus rossinien, la seconde partie, quoique fort séduisante, s’avère plus relâchée, et se conclut sur un final assez plat. On aura naturellement conservé pour le comte Ory la bienveillance dont nous sommes capables, ayant gardé à l’esprit que le rôle est l’un des plus aigus du répertoire. Heureusement, sa partenaire, la comtesse Adèle de Silvia Vásquez, forme avec Monica Bacelli, Isolier, le page amoureux, un couple à la hauteur de la partition, même si le timbre de la soprano pèche par une relative acidité. Belle prestation également de Jean-François Lapointe en Raimbaud, le valet du comte, tandis qu’Andrea Concetti caricature passablement le Gouverneur, tuteur du héros. Ce n’est pas du côté de la direction de Paolo Arrivabeni, plutôt insipide, qu’il faudra chercher un condiment supplémentaire. Mais, sans doute convient-il de rester mesuré en cette période de fêtes…

 

Par Gilles Moîné-Charrassier

 

Au Grand-Théâtre de Genève, les 18, 20, 22, 27, 29, 31 décembre 2011

Articles similaires