17 septembre 2017
Roland Petit et le ballet français à l’Opéra de Rome

On connaît l’appétit lyrique du public italien, et l’on associe volontiers la péninsule d’abord à l’opéra. Pour autant, la danse n’est nullement négligée au Teatro dell’Opera de Rome, et avec une étoile de l’Opéra de Paris à la tête du ballet de l’institution romaine, Eleonora Abbagnato, assistée par Benjamin Pech, autre étoile parisienne retiré de la compagnie depuis peu, les balletomanes ne seront pas oubliés, et en particulier les amateurs d’une certaine école française. Avant une soirée qui lui sera consacrée l’hiver prochain, le Teatro Costanzi rend hommage à l’un des plus grands chorégraphes du vingtième siècle, Roland Petit, et que la nouvelle directrice affectionne particulièrement – ce dont on ne saurait que se réjouir.
Car Roland Petit, disparu il y a quelques années, en 2011, c’est cette alchimie si singulière entre la virtuosité des pas et un sens inné de la narration : la technique ne verse jamais dans le formalisme ni l’intellectualisme, et sert toujours d’abord à conter une histoire. On ne s’étonnera pas de sa popularité, au-delà des cénacles habituels. Le programme proposé au moment de la rentrée des classes, et réunissant trois des créations mythiques du chorégraphe français, en témoigne.

Des pièces mythiques

Dans L’Arlésienne, inspirée par Daudet et sur la musique composée par Bizet, les décors de René Allio et les costumes dessinés par Christine Laurent n’ont pas besoin d’inutile opulence folklorique pour faire respirer la Provence et le frémissement des sentiments. Alessio Rezza condense le trouble croissant de Frederi, hanté par un amour déçu, que ne peut contenir la diaphane attention de la Vivette de Sara Loro. Les ensembles apprivoisent le style et servent d’écrin à un coup de projecteur presque cinématographique sur le drame d’une inconsolable solitude.
Cette intensité intime, Le jeune homme et la Mort l’exalte de manière incandescente. On ne se lasse pas de la mansarde d’artiste avec vue sur les toits de Paris où se joue ce fatal face-à-face halluciné : au lendemain de la guerre, la scénographie réunissait rien moins que les génies de Georges Wakhévitch, Jean Cocteau et Christian Bérard, sur une Passacaille de Bach réorchestrée façon romantique par le chef d’orchestre Leopold Stokowski. Dans le rôle de la Mort qui apparaît sous les traits d’une brune allumeuse et impérieuse, Eleonora Abbagnato endosse un costume qu’elle a maintes fois porté, et forme avec le peintre désespéré campé par Stéphane Bullion un duo qui aimante le spectateur.
La soirée se referme sur la Carmen revisitée par Roland Petit, redistribuant les scènes de l’opéra de Bizet à partir des suites orchestrales que le compositeur en a tiré. Tandis que Giacomo Castellana assume la carpe du torero, Rebecca Bianchi et Claudio Cocino forment le troisième couple tragique du programme. Avec Roland Petit, le ballet est un récit vivant.

Par Gilles Charlassier

Soirée Roland Petit, Rome, septembre 2017

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