29 septembre 2014
Dana Hastier, l’exigence offerte au plus grand nombre

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Sixième étage de France Télévisions: l’étage de la direction. Depuis Michèle Cotta, rares sont les femmes qui ont droit à la vue sur la Seine, signe que l’on est aux « commandes ». Dana Hastier a ce privilège depuis le mois de juin, nouvelle directrice de France 3, chaîne qu’elle connaît bien pour y avoir assuré la direction des documentaires pendant trois ans. Le résultat d’une formation littéraire- Sciences Po, maîtrise de philo et un parcours des plus technocrates avec l’INA, le CNC, Arte- bref, du sérieux qui la font peu pencher vers la gaudriole. Du vrai service public donc avec, pour cette nouvelle grille de rentrée, des documentaires historiques et politiques, genre qu’elle affectionne particulièrement, et qui seront diffusés, la chose est inédite, en prime time chaque lundi. La parole est franche, les objectifs bien définis et le message clair: Madame la Directrice sait où elle veut aller…

Vous avez un parcours très culturel…

A l’origine, je me destinais plutôt à faire de la recherche en sciences politiques. Et puis je suis passée « à l’acte », avec notamment la production. Je ne me considère pas aujourd’hui comme un produit de la télévision; ma mère est historienne alors je suis loin du profil marketing de certains. C’est d’ailleurs la première fois qu’une ancienne directrice des documentaires accède à la direction générale.

Le documentaire serait-il la forme la plus aboutie en télévision?

Je crois que oui car on a désormais le souci de la forme, que « ça ait de la gueule ». En histoire, cela est particulièrement frappant, avec une durée de vie qui est, c’est un réel avantage, assez longue; cela permet également de mettre à jour de nouveaux éclairages possibles avec le recul que l’on peut avoir des années après. Pour la guerre 14-18, on découvre ainsi lors de ce centenaire le refus de la guerre qui existait chez certains engagés. L’histoire ne cesse d’avancer et permet également d’être en relation avec les chercheurs, les universitaires. C’est d’ailleurs les seuls programmes qui rendent fier le téléspectateur et le font changer d’avis. Les gens « s’aiment » les regarder.

Vous revendiquez en cette rentrée une large place à la culture. Etes-vous d’accord avec Jacques Chancel pour offrir au public « non pas ce qu’il aime mais ce qu’il pourrait aimer »?

Le volontarisme n’est pas toujours la solution; les programmes culturels sont toujours ceux qui font le moins d’audience; la captation d’un spectacle vivant coûte 100 000 euros et vu l’heure tardive à laquelle c’est diffusé, on peut difficilement mettre plus. Les coulisses, ça ne marche pas, mais cela n’empêche pas de s’essayer au prime comme nous le ferons ponctuellement, notamment en fin d’année. Je crois toutefois plus au documentaire pour présenter un artiste ou une oeuvre, même si notre budget de 8 millions d’euros en spectacle vivant soit 10 % du budget global est loin d’être négligeable.

Quel est selon vous le programme idéal pour France 3?

Je ne crois pas aux formules; j’ai plus d’exigences sur un documentaire que sur une fiction qui doit avant tout avoir une bonne audience vu son coût élevé. France 3 est une chaîne de culture populaire, avec des magazines comme Thalassa, des Racines et des ailes ou Faut pas rêver qui réunissent 2, 5 à 3 millions de téléspectateurs le soir, et 4 millions pour la fiction. On cherche en priorité à donner du plaisir à travers la connaissance et traiter des sujets sans se censurer comme dans les documentaires politiques- DSK, Sarkozy ou bientôt Manuel Valls. Nous avons notre ton à nous, et prenons le temps pour le faire, en général une année pour chaque acteur politique.

Comment allez-vous faire avec moins d’argent vu les budgets en baisse pour l’ensemble du groupe France Télévisions?

On va devoir faire des choix en fonction de la ligne éditoriale, avec des programmes qui seront plus touchés en journée. Il est certain que cela appauvrira les chaînes généralistes qui restent des médias fédérateurs, et les seules parvenant encore à réunir la famille devant un écran.

Vous arrive-t’il d’acheter des programmes ou les commandez-vous exclusivement?

On reçoit beaucoup de projets que nous mettons ensuite en production. C’est très difficile de pouvoir acheter; la plupart des documentaires sont des commandes spécifiques de chaînes et comme pour les Anglosaxons ou les Allemands, ils sont le plus souvent incarnés par le présentateur. De plus, les documentaires sur l’histoire internationale- Obama, les révolutions arabes ont été des échecs. Nous travaillons donc surtout sur la France avec beaucoup de réalisateurs chevronnés ainsi qu’une jeune génération d’auteurs réalisateurs. Nous sommes également à la recherche de sujets originaux, comme les femmes en 14-18, en évitant les débats après diffusion qui n’apportent pas grand chose. Le documentaire est toujours plus puissant.

Quel effet cela vous-a t’il fait d’arriver tout en haut?

On a tellement de travail que cela ne laisse pas le temps de se poser de questions, mais j’ai eu le plaisir d’être légitimisée par les directeurs d’unité de France 3 et de pouvoir faire venir des gens comme Fogiel dès janvier prochain pour rajeunir la chaîne. Je veux plus de modernité. Il est important d’éviter que les grandes chaînes ne s’appauvrissent face aux nouveaux supports, en ayant bien à l’esprit face à Netflix et les autres opérateurs que les lignes Maginot ne servent à rien…

Une dernière référence historique pour cette femme qui, un étage plus bas, choisit avec soin les DVD qu’elle veut nous offrir.  Et qui sont sans surprise, des pans de cette histoire que vous n’avez pas finit de découvrir dans « sa » grille.

par Laetitia Monsacré

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