19 février 2013
La femme patiente

Kaboul, les bombes et la peur. Visage de madone, une femme veille son mari-enfin ce qu’ il en reste…Cet homme n’est en effet plus qu’ un gisant, plongé dans le coma à la suite d’une balle reçue dans la nuque, auquel elle demande inlassablement de revenir « pour l’ amour de dieu » dans ce pays où  le Coran règle le quotidien. Atiq Rahimi a choisi de réaliser l’adaptation cinématographique de son roman éponyme, Syngué sabour, qui reçu justement en 2008 le prix Goncourt. Syngué sabour est le nom que l’on donne à cette pierre de patience à laquelle on se confie jusqu’à ce qu’elle éclate, vous libérant alors de vos secrets.« C est toi qui est blessé et c’est moi qui souffre », « pour une fois que tu m’écoutes », la femme ne va cesser de parler, parler à cet homme qui n’a jamais été là, représenté à ses fiançailles par une photo et le jour de son mariage-un poignard. Aucune intimité, aucun dialogue n’a jamais existé entre ce combattant et elle qui enfile sa burqua dès qu’elle sort dehors. Car à travers cette merveilleuse histoire, c’est toute la condition de la femme arabe qui est montrée, des femmes qui ont des désirs, des attentes mais appartiennent définitivement aux hommes-passant d’un père qui échange sa fille ainée contre une caille à un mari qui la considère juste comme un ventre pour enfanter. Quand ce n’est pas pour les violer en temps de guerre. « Ceux qui ne savent pas faire l’amour font la guerre »-tout est dit par la tante qui a choisi de défier le système, représentante de cette modernité que les talibans voudraient anéantir, en s’étant affranchie des hommes en ouvrant une maison close à l’autre bout de la ville. Golshifteh Farahani, actrice d’origine iranienne qui a déjà un joli parcours hollywoodien derrière elle, est tout simplement magnifique, vêtue de simples robes chamarrées de coton pour livrer ce monologue ininterrompu, sauf par les bombes; à moins que ce ne soit un soldat en mal d’amour et qui lui fera redécouvrir ses sens. Car l’histoire finira bien malgré la violence ici montrée qu’elle soit sur ces femmes traitées comme de simples morceaux de viande ou sur la population civile à l’image du massacre commis sur ses voisins. Un film dur mais fort qui vous hantera un long moment. Et du vrai cinéma avec un scénario comme on voudrait en voir plus souvent.

AW

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