2 février 2013
La Bastille à l’heure russe


Avec La Khovantschina, Moussorgski a livré l’une des œuvres les plus sinistres du répertoire lyrique. Cet imposant drame historique retrace ainsi un terrible épisode de l’histoire russe : l’opposition des partisans de la Russie féodale, emmenés entre autres par les Khovanski – d’où le sobriquet donné par le tsar à cette révolte – et ceux de l’Occidentalisation voulue par Pierre le Grand. Cette immense fresque, âpre et austère, se déploie en grands tableaux où le peuple – et donc les chœurs – joue un rôle important, et pour l’écriture desquels le compositeur s’est inspiré de la tradition orthodoxe.

Mais les personnages au fort tempérament dramatique et musical ne manquent pas. Dans une distribution intégralement russe dominent le vigoureux Dosifei d’Orlin Anastassov, prince devenu moine, rôle chanté jadis par l’illustre Chaliapine – qui donna d’ailleurs les premières représentations françaises de La Khovantchina à Garnier dans les années vingt –, la fascinante Marfa de Larissa Diadkova, prophétesse amoureuse, et Chakloviti, un noble passéiste et diaboliquement conspirateur où Serge Murzaev se révèle impressionnant de cruauté et de puissance – l’évocation de la Russie éternelle au troisième acte est un des sommets de la soirée.

Jamais redonnée depuis la première série de représentations en 2001, la production d’Andrei Serban illustre efficacement cette fresque magistrale, sans surenchère dans le traditionalisme kitsch comme elle évite tout contresens au nom de la modernité. La chaleur des applaudissements confirme la prédilection du public parisien pour les grands formats, et si, à moins de cynisme, l’on ne saurait mettre l’œuvre entre toutes les oreilles, on ne peut que saluer l’initiative de l’Opéra de Paris de programmer cette œuvre mythique pour les Russes. On n’en manquera pas moins cependant de rêver à d’autres titres méconnus, tels Iolanta de Tchaïkovski ou encore le Coq d’Or de Rimsky-Korsakov. Le répertoire slave réserve des trésors encore bien trop méconnus…

GC

La Khovantchina, Opéra Bastille, jusqu’au 9 février 2012

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