2 novembre 2012
Tableaux mouvants

Rideau aux larges bandes noires et jaunes, une femme comme chef d’orchestre, des hommes sur des pointes, de drôles de créatures aux couleurs vives, la danseuse étoile Marie Agnès Gillot investit avec sa dernière chorégraphie Sous apparence la scène de Garnier. Et s’entoure avec le peintre Olivier Mosset aux décors, le créateur Walter Van Beirendonck aux costumes ou Madjid Hakimi aux lumières d’une équipe de choc à la façon des Ballets Russes ou de Merce Cunnigham. Dansant sur un immense linoleum brillant, les danseurs apparaissent en clair obscur, la lumière les sculptant; bientôt les pointes semblent une évidence pour les hommes comme Vincent Chaillet, impérial tandis que Laetitia Pujol et Alice Renavand s’accrochent à ses bras pour un trio  à couper le souffle.

La musique devient incantatoire avec les voix du corps Accentus qui s’élèvent dans la Messe en mi mineur de Bruckner superbement dirigée par Laurence Equilbey tandis que sur la scène un jardin imaginaire prend vie à la manière d’un conte. Le créateur de mode Walter Van Beirendonck a imaginé des sapins de tulles, des guêpes géantes et des justaucorps à lacets gommant toute masculinité/féminité afin qu’il n’y ait plus que des corps qui dansent ou glissent comme dans ce passage inspiré où les danseurs s’élancent dans des lignes droites sur pointes aussi réjouissantes qu’éblouissantes de maitrise dans un décor au graphisme parfait.

La fin du ballet

Autant dire que la chorégraphie de Merce Cunningham Un jour ou deux, crée ici même en 1973 parait bien grise. C’est la couleur dominante d’ailleurs des costumes réalisés à l’époque par  Jasper Johns, peintre américain célèbre qui lança le Pop Art et revisita le drapeau américain. Précurseur de la danse contemporaine avec son complice compositeur John Cage, Merce Cunnigham offre avec cette chorégraphie une heure de mouvements parfaitement exécutés mais d’un ennui abyssal sur la durée, avec pour seule musique ce qui ressemble à un bruit de clapot sur une barque et la toux d’un bébé. « Comme spectateur vous pouvez partager la complexité de cette expérience mais ce n’est pas nous qui déterminons l’impression que vous fait ce que vous voyez et entendez » expliquait le chorégraphe dont les oeuvres ont suscité le rejet voire les insultes en son temps. Il faut que dire que ne rien raconter une heure durant, cela parait quarante ans plus tard toujours aussi long.

LM

Marie Agnes Gillo/Merce Cunnigham au Palais Garnier jusqu’au 10 novembre –Opera de Paris

Articles similaires