Chaque année depuis que François-Xavier Roth a repris la direction de la scène musicale d’art et d’essai créée par Jean-Claude Malgoire, l’Atelier Lyrique de Tourcoing propose un week-end de concerts gratuits au début de la saison offrant un condensé de son foisonnement exploratoire, autant que de son ancrage complémentaire dans le paysage musical, non seulement de l’agglomération lillois, mais également régional et national. Parmi les six concerts gratuits de l’édition 2022 de ce mini-festival, les deux du vendredi en donnent une belle illustration. A 18 heures, à l’Eglise Saint-Christophe, l’ensemble Alia Mens défend le cœur initial du répertoire de l’Atelier Lyrique, le Baroque, avec trois cantates de Bach qui résument un parcours spirituel face à la mort, en une sorte de « chemin vers la cité céleste », pour reprendre les mots gravés au frontispice de l’église de Weimar qui servent d’épigraphe au présent programme. La BWV 12, Weinen, klagen, sorgen, zagen, affirme un recueillement fervent, sensible dans la Sinfonia augurale avec des pupitres calibrés par Olivier Splimont, et que prolonge l’intériorité du vaste choeur éponyme, comme dans les interventions solistes, à l’instar de l’alto Alex Potter, dans son air avec hautbois obligé. La BWV 18, Gleichwie der Regen und Schnee von Himmel fällt, offre des accents plus dramatiques pour la parabole du semeur. Enfin, la BWV 161, Komm du süsse Todesstunde referme ce cheminement d’une manière lumineuse portée avec souplesse et sensibilité.
Une soirée symphonique de Mozart à Messiaen
En soirée à 20h30, c’est au Théâtre Municipal que l’Orchestre national de Lille vient, en voisin, avec un programme équilibrant grandes pages du répertoire et joyaux plus rares, dans l’esprit de l’Atelier Lyrique. Sous la direction de Joshua Weilerstein, le poème symphonique Les Offrandes oubliées respire la tendresse de la foi fervente de Messiaen, dans le contraste entre l’imploration méditative de La Croix, la violence du Péché marquée par rythmes vigoureux et les harmonies éthérées de L’Eucharistie, telles la transparence d’un vitrail, dans une variété de palette que la phalange lilloise ne manque pas de mettre en valeur, et qui fait de cette pièce brève bien plus qu’une simple entrée de concert. Seul opus concertant que Mozart écrivit spécifiquement pour le hautbois, le Concerto en ut majeur KV 314 dévoile une volubilité expressive que Gabriel Pidoux fait vivre avec un naturel évident. Si, après le dialogue nourri entre soliste et orchestre de l’Allegro aperto, l’Adagio non troppo dévoile un lyrisme teinté d’une douce mélancolie toute mozartienne, le Rondo final exulte d’une virtuosité aussi chantante qu’irrésistible, livrée ici avec une générosité qui ne l’est pas moins – et face à laquelle l’enthousiasme légitime du public ne trompe pas. En seconde partie, la Symphonie n°2 en ré majeur op. 73 de Brahms met à l’épreuve la consistance de la pâte orchestrale sans pour autant oublier un certain allant que l’on retrouve, après l’imposant mouvement initial et l’Adagio, dans un Allegretto grazioso quasi primesautier et un Allegro con spirito plein de vitalité. Avec un samedi qui réunit un spectacle mettant un scène un quatuor à cordes et une soprano, La jeune Else et la mort, et une clôture associant Les Ambassadeurs et La Grande Ecurie sous la houlette d’Alexis Kossenko dans la reconstitution d’un festin royal à Versailles, le samedi confirme l’absence de préjugés esthétiques d’un Atelier Lyrique qui a la curiosité et l’accessibilité pour leitmotivs.
Par Gilles Charlassier
Week-end ouverture de la saiosn de L’Atelier Lyrique de Tourcoing, concerts du vendredi 23 septembre 2022.