27 octobre 2012
Pascal Quignard/ Sur les traces de nous-mêmes

« Non, tout n’était pas mieux avant« . Ce slogan d’une pub que l’on voit partout dans le métro,  pourrait bien être celui du nouveau roman de Pascal Quignard, Les Désarçonnés.
On ne présente plus l’auteur, qui est devenu une référence dans le paysage intellectuel français  ; celui qui nous donne des cours de latin et de grec dans ses romans  ; des langues mortes, certes, mais nourries de symboliques. Le VIIéme Tome de l’aventure du Dernier Royaume, achève aujourd’hui un cycle entamé il y a plus de dix ans. L’entreprise commence par l’écriture de La Vie secrète, que Pascal Quignard écrit à un moment où sa survie n’est pas certaine. Les désarçonnés met donc le pied à l’étrier de ce qui représente une véritable renaissance.

Tomber et se relever

Il s’agit ici de se remémorer à travers l’histoire déjà vécue par nos ancêtres (et pas les moindres   : ce qui reste de nos études va nécessairement être éveillé par ces grands noms), à quel point il est tout aussi naturel et humain de tomber, puis de se relever. Partant de la description animale et de la loi du plus fort au détour du cheval, du cerf ou du chien, l’auteur ne se veut pas pour autant défenseur de la thèse de Hobbes selon laquelle « l’homme est un loup pour l’homme ». Il amène à réfléchir sur la distinction majeure qui réside entre ces êtres de la nature et nous autres animaux sociaux   : le comportement face à la solitude. C’est un acte de résistance que proclame Pascal Quignard, en montrant qu’il est parfois utile de se séparer un peu du monde, de se distancier un peu de la société afin de se comprendre à nouveau dans notre harmonie propre, dans notre solitude-qui loin d’être synonyme de pathétique- rééquilibre le fossé creusé par les «   normes   » et la pression sociale.

Un retour à l’origine

En passant en revue les anecdotes plus ou moins célèbres des mésaventures de Socrate, La Boétie, Rousseau, Nietzsche ou encore Foucault, l’auteur dresse la généalogie de la persévérance humaine. Chaque chapitre est comme une fable, un essai, un poème, un rêve qui raconte comment la chute, la tombée dans l’asthénie, est finalement le moyen ultime de «reconquérir» l’origine, de renverser une situation que l’on croyait désespérée, et de tout recommencer. Et si l’on se perd parfois dans les méandres de l’Histoire, l’auteur sait nous rattraper par son écriture poétique et avisée.
Quignard dit lui-même « qu’il défend ce dont il a si souvent fait les frais : la dépression nerveuse », mais il est loin de dresser un tableau noir de l’existence, il peint plutôt une fresque de ceux qu’il nomme les désarçonnés, une guirlande de penseurs au bord du précipice mais dont nous avons au moins le témoignage et la mémoire de ce qu’ils y ont trouvé  : le renouveau.

par Marie Fouquet

Les désarçonnés de Pascal Quignard chez Grasset, 20 €

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