21 octobre 2017
Les voix d’abord à Liège


 
La célébrité de certains « tubes » du répertoire lyrique peut parfois induire en erreur quant à la réputation de l’ouvrage dont ils sont tirés, et donner l’illusion que le public comme les salles en sont rassasiés. Le « Casta diva » a beau être sur les lèvres de tous les mélomanes, les maisons d’opéra ne se bousculent que modérément pour mettre à l’affiche Norma. Liège a ainsi attendu exactement vingt ans avant de programmer à nouveau le chef d’œuvre de Bellini. Car cette histoire de druides, de prêtresses et de soldats romains, qui peut facilement tomber dans le péplum de mauvais goût, est d’abord un drame amoureux intime – de manière symptomatique, le premier acte s’achève sur un trio au lieu du traditionnel ensemble auquel Rossini avait habitué le romantisme italien – qui réclame des voix de premier plan.
A cet égard, la nouvelle production réglée par Davide Garattini Raimondi sert bien les oreilles. Dans le rôle-titre, Patrizia Ciofi dévoile un émouvant frémissement affectif, qui souligne la sensibilité de la prêtresse, et n’a guère besoin des efforts de la soprano italienne pour soumettre l’expressivité à vif de son chant à une rondeur qui érode parfois la netteté de la diction. En Pollione, l’amant inconstant, Gregory Kunde affirme une vaillance qui ne renonce jamais à la nuance, et distille un héroïsme subtil qui place le ténor américain au rang des meilleurs interprètes du moment du héros belcantiste – et l’on n’en sera que plus admiratif de sa santé vocale, nullement altérée par la maturité du sexagénaire ! Josè Maria Lo Monaco séduit en Adalgisa d’une belle homogénéité.
Pour le reste, on retiendra les interventions de Réjane Soldano, Clotilde moins effacée que de coutume, ainsi que le Flavio vigoureux de Zeno Popescu, plutôt que l’Oroveso un peu terne d’Andrea Concetti. On saluera les chœurs préparés par Pierre Iodice, ainsi que le direction inventive de Massimo Zanetti, attentive à mettre en valeur les ressources de la fosse, sans trop s’attarder sur le kitch de la mise en scène, qui ne sait tirer parti d’un concept scénographique auquel les lumières de Paolo Vitale et la chorégraphie de Barbara Palumbo n’apportent guère de bénéfice. L’essentiel est dans les voix et Stefano Mazzonis di Pralafera ne s’y est pas trompé, en mettant l’accent sur la musique. C’est d’ailleurs l’une des marques de fabrique des saisons de la maison wallone, que de ne pas céder aux sirènes tentatrices de ce que certains appelleraient la dictature de la scène. Les notes d’abord!

Par Gilles Charlassier
 

Norma, Liège, jusqu’au 31 octobre 2017

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