Sorti cet été, le clip promo du single Manager, à l’esthétique minitel, ne présageait pas une tendance vers la modernité pour la suite de la carrière de Raphaël. Le kitsch de la pochette de l’album qui suivit continuait de donner cette impression et pourtant, au-delà du titre que les radios diffusent déjà, la musique de Raphaël a évolué, entraînant par la même toute la chanson française actuelle. En compagnie du musicien Benjamin Lebeau (The Film, puis The Shoes) il a façonné, dans l’isolement tranquille d’un petit appartement, un disque qui surprendra tout le monde, ses fans comme ses détracteurs, salué par l’ensemble de la presse . Il faut dire que tout y paraît nouveau, le son, l’ambiance, les textes (moins mièvres qu’ils n’ont été) et même le filet de voix qui caractérisait le chanteur. Ici, une voix chuchotant comme Ferré, là un chant grave et rythmé, presque rappé, sans doute inspiré par les dernières productions de Benjamin Biolay. De manière très assumée, le disque donne la part belle aux influences nombreuses et prestigieuses du boxeur novice (Raphaël s’adonne à ce sport depuis un an et demi, « Super-Welter », le nom de l’album, fait référence à sa catégorie) : les extravagances de Christophe, le lyrisme métaphorique de Manset et les collages textuels de Bashung. Si la voix peut surprendre sans être pour autant complètement déstabilisante – on reconnaît souvent son timbre fragile – ce n’est pas le cas de la musique : des accords de guitares folks et intimistes côtoient des boucles électroniques aux ruptures étonnantes et aux basses vrombissantes !
Les bénéfices de l’altérité
« Et si j’étais bizarre » se demande-t-il dans la chanson Peut-être ; c’est justement cet aspect décalé qu’il peine à trouver en lui-même, qu’il est allé chercher dans l’autre et semble avoir trouvé en la personne de Benjamin Lebeau. En effet, la qualité des nouvelles productions de Raphaël doit beaucoup à la personnalité atypique du jeune producteur d’électro. Si le chanteur de Caravane a d’abord été surpris par l’originalité de ses idées, il s’est ensuite initié à l’esprit défricheur de son acolyte et en a finalement retiré une soif de découvertes et d’expérimentations, tendances qui sont les gages d’une inspiration toujours renouvelée. L’étrangeté du son de cet album est aussi liée aux principes qui ont gouverné l’enregistrement : pas de studio, pas de musicien engagé pour l’occasion, seulement Raphaël et son producteur, s’adonnant à la pratique de tous les instruments nécessaires pour constituer cette musique aux sonorités si particulières. L’inventivité de ce nouvel album ne cache pas cependant les efforts fournis par Raphaël pour tenter de changer son image de faux rebelle. Le clip de Manager le montre en train de se faire tatouer les omoplates (même pas mal!) arborant une casquette des Ramones (attention je suis punk!) et les textes évoquent le rock’n roll, la mort et l’enfer (« un low-cost pour l’enfer ») mais quand il serre les points et les place devant ses yeux, on peut lire inscrit sur ses phalanges « Hé Hé Hé Hé »… On a déjà vu des messages plus engagés ! Saluons toutefois le courage de cet artiste qui ne se contente pas de la célébrité de ses tubes passés et explore des contrées encore inconnues, avec un album court – 35 minutes – qui ne donne pas le temps de lasser l’auditeur…
Par Romain Breton
Super-Welter de Raphaël chez EMI