Fanzine ? Vous avez dit fanzine ?! Contraction des mots « fan » et « magazine », ce terme désigne des petites revues à faible diffusion, institutionnellement indépendantes, réalisées par des amateurs sur des thèmes qui les passionnent. Et font l’objet jusqu’au 4 novembre d’un festival à la Médiathèque Marguerite Duras. Arrivés en France à la fin des années 60, les fanzines musicaux naissent réellement avec le mouvement Punk mais vont très vite se multiplier en dehors de celui-ci (qui fut réellement actif de 1976 à 1978). Ils conserveront de ce dernier son éthique « Do It Yourself » ! Les années 2000 ont vu la naissance de zines en ligne, les e-zines, tel que Crumb. Objet dynamique et éphémère tout à la fois, rares sont les titres qui perdurent encore aujourd’hui : New Wave (crée en 1980) et ChériBibi (crée 1981) font offices de références de longévité dans l’univers du fanzinat français.
Un instrument de résistance face à la presse traditionnelle ?
Les créateurs de fanzines, espèces non conformistes en voie de disparition, continuent d’œuvrer en marge de l’édition traditionnelle. L’absence de capital économique et de professionnalisation caractérise ce média. Concernant le circuit de distribution, c’est l’indépendance et donc l’assurance d’échapper aux tarifs prohibitifs de PRESSTALIS, société qui détient un quasi monopole sur la distribution en kiosque. Le fanzine lui, se vend par correspondance, dépôt, vente directe, bouche à oreille ou encore dans des espaces consacrés comme la fanzinothèque de Poitiers ! Le concepteur est tour à tour rédacteur, correcteur, graphiste, éditeur, imprimeur voire distributeur. Et comme on est jamais mieux servi que par soi même, le fanzine est réalisé chichement, avec les moyens du bord puis vendu à un prix excédant rarement les 5 euros (3 euros pour A Bloc et SBS, 5 euros pour ChériBibi). Le langage graphique brise les conventions et les principes de mise en page traditionnels et conventionnels. Les fanzines sont écrits par de vrais passionnés ayant accumulé une grande quantité de connaissances sur un monde, un thème, une musique particulière; c’est une culture de spécialiste agrémentée d’une expertise d’historien. S’adressant tout particulièrement à un public de connaisseurs, on ne tombe pas par hasard sur un disquaire et encore moins sur un fanzine ! Il y a donc peu de visibilité pour le grand public du fait d’une audience dépassant rarement le cercle des initiés. En tant que publications indépendantes et autoéditées, les fanzines sont devenus des véhicules d’une communication contre-culturelle et détachée des impératifs de vente ou des désiratas des annonceurs…
Une indépendance à toute épreuve ?
En étant passés, pour certains d’entre eux, d’une version papier à une version numérique le fanzine n’aurait-il pas alors perdu de son âme puisque dépourvu de toute corporalité physique ? Le Net a toutefois su créer un nouveau langage numérique grâce, notamment, aux caractères de l’ASCII, ce jeu de caractères codés qui nous vient des Etats-Unis. Que penser également des créateurs de zines qui utilisent les réseaux sociaux comme arènes promotionnelles, cela ne va-t-il pas à l’encontre de l’éthique Underground, marginale, et anticonsumériste revendiquée par le fanzine… ? Bien que se dressant contre la grande presse, le fanzine ne peut qu’exister que grâce/à cause de cette dernière. Le média traditionnel justifie et offre une légitimité au média alternatif : on n’est pas alternatif dans l’absolu, mais forcément par rapport à un référent. En outre, certains de ceux qui créèrent des fanzines en critiquant la presse traditionnelle ont néanmoins fini dans ses rangs (preuve en sont Jon Savage ou encore Danny Baker qui a travaillé pour Sniffin’Glue avant d’entrer à la BBC). Si le fanzine se veut être en dehors des circuits traditionnels, certains d’entre eux sont toutefois déclarés légalement sous la forme d’une association loi 1901. Le fanzine reste néanmoins aujourd’hui encore un média contestataire et atypique, libéré des contraintes financières et affranchi de toutes conventions, qu’elles soient formelles ou relatives au sujet ; en somme un média alternatif. De par tous ces attributs, il possède une place toute particulière dans la presse française opérant une logique de désarticulation formelle et symbolique de la presse traditionnelle. A l’heure de la consommation de masse et d’une culture « passoire », face à l’attitude consumériste du citoyen lambda, une culture qui se veut et se revendique contestataire, protestataire, voire provocatrice continue de tracer son chemin. Le fanzine persiste et signe ! On peut donc espérer encore de beaux jours au fanzine papier, en ne lui souhaitant toutefois pas forcément plus de visibilité de la part du grand public, en ce sens qu’il ne serait alors sans doute plus fanzine…
Par Laura Baudier
Fanzines ! Festival de l’autoédition graphique, jusqu’au 4 novembre 2012-Médiathèque Marguerite Duras, 115 rue de Bagnolet, 75020 Paris-De 10h à 18h