24 décembre 2011
The Veniser/The Milaner- Illuminations, débauche ici, économies là

Bercé par les débauches luminescentes des décors de Noël qui ont envahi rues et de devantures de magasins à Paris depuis le mois de novembre, je fus quelque peu surpris quand, arrivé à Venise en début décembre, je vis des installations éteintes. Certes, j’ai pu contempler le campanile de la place San Marco essuyer comme l’hiver dernier les projections bleutées de flocons de neige – quoiqu’un peu plus pâles cette année à mon avis. Le pont du Rialto irradiait sous ses boules blanches, mais le reste du chemin vers la gare restait parfois dans cette demi-obscurité qui fait le charme intimiste de Venise. Mon hôte m’a alors expliqué qu’il n’y avait nul retard dans la mise en place des illuminations, qui d’ailleurs n’était pas vraiment dans les traditions locales, mais plutôt un import des grandes métropoles européennes – et en particulier du mercantilisme anglo-saxon auquel nous finissons tous par succomber.
C’est ainsi que Milan a en la matière adopté un calendrier standardisé. Il est vrai que les festivités de la Saint-Ambroise, le saint patron de la ville, le 7 décembre, contribuent sans doute à encourager la mise en place précoce du grand sapin devant le Duomo. Et puis Milan est une des capitales européennes sinon mondiales de la mode. Il serait inconcevable de déambuler dans le Quadrilatero où sont concentrées toutes les grandes griffes italiennes sans des guirlandes dégoulinantes. La capitale des Gaules voisine, bien que plus modeste, a sans doute également souscrit à la même Christmas International Corporation. Je tombais en plein dans la désormais fameuse fête des Lumières et voyais de ma chambre d’hôtel la basilique de Fourvière couronnée de bleue. Je ne saurais dire à quel programme faisait partie cette animation ; il est cependant fort probable que l’ampleur prise par l’antique fête de la Vierge Marie profite généreusement de la Nativité proche.
Ma dernière étape, c’est Madrid. Traversant la Puerta del Sol pour rejoindre le Teatro Real, je ne pus manquer le gigantesque corsage conique, illuminé de vert et de cœurs rouges – Noël doit probablement avoir été promu fête de l’amour. Des badauds se pressent dans le corridor aménagé à l’intérieur, heureux sans doute d’immortaliser une photo prise dans le sapin, au sens littéral du terme si j’ose dire. Après ma soirée lyrique, je pars déambuler devant le Palacio Real voisin, et suis frappé par l’absence de tout attirail festif – il faut reconnaître que le quartier est notoirement mort à la tombée de la nuit. A croire que Noël est inconnu de la monarchie espagnole, qui n’a même pas daigné décorer un arbre dans la cour de sa résidence officielle. Sans doute en solidarité avec leurs concitoyens durement frappés par la crise. Cette même sobriété me surprend également Plaza Mayor. Les cabanes de bois, dans une disposition reproduisant la forme rectangulaire de l’endroit, où se vendent des bibelots décoratifs, sont évidemment fermées à minuit, mais les lumières aussi. Je reviens vers Sol, et aperçoit le sapin en fil de fer et diodes électroluminescentes également au repos, au diapason des guirlandes suspendues alentour. Avec ce couvre-feu, on pourrait croire que Madrid se couche tôt. Le café de l’Opéra n’est heureusement pas représentatif de la chronobiologie madrilène. Il est au demeurant fort à parier que le louable souci écologique de la municipalité fera une exception pour les douze coups de minuit de la Saint-Sylvestre…

 

Par Gilles Moîné-Charrassier

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