22 décembre 2012
Francis Dylan ou Bob Cabrel ?

Décidément, c’est une manie ! On a dû se passer le mot dans les rangs de la chanson française : « à la rentrée, on sort tous un album de reprises ! » ce qui se matérialise en des albums « hommage » plus ou moins convaincants – en témoignent nos articles sur les nouveaux Patricia Kaas et Daphnée, respectivement consacrés à Piaf et à Barbara. Dans cette lignée, Francis Cabrel sait marquer sa différence. Choisissant de rendre hommage à une icône d’outre-atlantique, il revient sur le devant de la scène, quatre ans après son dernier album  Des roses et des orties, en prenant le risque de s’approprier, en français, un monument de la chanson internationale : l’œuvre de l’infatigable Robert Zimmerman, ou si vous préférez, Bob Dylan. Cela s’appelle Vise le ciel »,  album déjà certifié disque de platine et l’on peut estimer que les achats de cette fin d’année vont considérablement confirmer ce succès. C’est le single Comme une femme – Just Like a Woman– qui  est sorti en premier, puis Je te veux – I Want You, deux des chansons ici les plus connues, sur les ondes hexagonales.

 Shakespeare et Molière : des langues qui s’opposent

 Une longue histoire relie la carrière du chanteur de Petite Marie  à celui de  Like a Rolling Stone car, c’est en entendant cette dernière chanson à l’âge de treize ans que Cabrel se découvre une passion pour la musique et se fera offrir une guitare afin d’imiter son idole dans un premier temps, puis pour composer ses propres chansons, forcément influencées par la folk dylanesque. C’est pourquoi le surréalisme, les thèmes et les associations d’idées typiques du poète américain ne détonnent pas avec la « voix du sud » du chanteur français. On retrouve son goût pour les tournures alambiquées, les évocations, les idées abstraites qui font l’originalité des succès comme Encore et encore ou Sarbacane. Mais ici, la traduction, tournée en faveur de la sonorité des mots choisis, rend parfois creuse la prose de Dylan. Si dans les versions originales, la voix nasillarde de celui-ci savait faire sonner les syllabes ouvertes de la langue de Shakespeare, ici, Cabrel peine a rendre la même efficacité sonore dans la langue de Molière. Par exemple, sur le titre  On ne va nulle part, adaptation du célèbre You Ain’t Going Nowhere , le « Oh oui… » du refrain chanté en chœur ne parvient pas à reproduire l’aspect gospel du « Oh Yeah… » original… Ainsi, l’adaptation est dans l’ensemble un peu plate et mollassonne. Mais cela ne gâche pas pour autant notre plaisir de réentendre l’accent du sud-ouest et la sympathique voix de l’homme d’Astaffort. Cela ne déplaira pas non plus aux amateurs de Dylan non anglophones, pour qui le sens des chansons demeurait inaccessible. Enfin, c’est une agréable façon pour Cabrel de faire patienter son public avant la sortie de ses nouvelles créations, prévue pour octobre 2013.

 

Par Romain Breton

Francis Cabrel, Vise le ciel ou Bob Dylan revisité, chez Sony Music, 14,99 euros.

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