Trois jours durant, en juillet et janvier, Paris devient la capitale de la mode « absolue ». La pure, la haute, qui ne s’adresse qu’à une poignée de clientes, capables de faire trois essayages, attendre des semaines durant leur pièce unique et la payer en conséquence-de 20 à 100 000 euros. Et s’il est vrai qu’il n’est pas envisageable, dans un certain milieu, de croiser une femme portant la même robe que vous à une soirée, les clientes sont de moins en moins nombreuses; cela, même si les indiennes et chinoises qui se sont rajoutées aux américaines, russes et femmes du Moyen Orient, optent à leur tour, pour ce qui a fait la réputation d’excellence et d’unicité des maisons françaises. De quoi ironiser, comme Jean-Jacques Picart, conseiller chez LVMH, qui la compare à Versailles, au point « qu’on est content qu’il y ait encore des gens pour visiter le château ». Résultat, d’une centaine de maisons en 1945, seules dix huit maisons et onze membres invités ont défilé cette semaine, avec un cahier des charges très précis: présenter au moins deux collections par an avec 25 modèles originaux -au lieu de 50 à l’origine- conçus par un créateur permanent avec 20 personnes et réalisés sur mesure et à la main. Cette année, deux nouveaux venus, Alexis Mabille et Elie Saab ont défilé avec, dès lundi matin, la neige occupant encore les trottoirs, Christophe Josse qui a ouvert le bal, c’est le cas de le dire, dans les salons dorés de l’hôtel Crillon avec des rédactrices qui manquent à l’appel, les avions n’ayant pu atterrir du week-end. Point d’Ana Wintour ou de Suzy Menkés dans la salle mais Lyne Cohen Solal, fidèle et autres VIP avec force fourrures, stilettos malgré la neige et Iphones pour immortaliser les passages; au total une dizaine de modèles qui, avec 40 minutes de retard défilent en moins de dix minutes…« Uncross your legs, pas de portables », les photographes hurlent et chacun reprend les bases du « savoir vivre » pour un défilé en front row- premier rang. Silhouettes à la Wallis Simpson, taille marquée ou smokée, jupe évanescente, dentelles, passementerie, broderie, tulle, le tombé est parfait; les robes portées avec des tongs ornées de gigantesques coquillages et les couleurs à dominante de bleu marine ou de pastels. On se croirait face à des modèles dignes du Musée Galliera mais bien en mouvement, prêts à accueillir la riche cliente qui a la vie qui va avec …
Silhouettes sculpturales ou des mille et une nuits
Loin des salons dorés de la rive droite, c’est au Musée Bourdelle que la styliste Bouchra Jarrar- ancienne directrice de studio chez Balenciaga et Christian Lacroix qui a choisi de créer sa propre griffe loin du stress des grandes maisons- a choisi de défiler, au milieu des monumentales statues de l’artiste; L’été est chez elle synonyme de cabans ou cape-il fait après tout chaud à peine un mois qui se passe généralement sur la plage ou un yacht…- avec des écharpes en shetland, de la serge de laine, du feutre, du cuir comme pour ses perfectos et autres blousons d’aviateurs. Les couleurs , les mélanges de matières sont absolument superbes tout comme les coupes minimalistes à l’image de cette robe blanche évasée en feutre ou cette autre en satin de soie bleu nuit d’une virtuosité implacable…Du très bel ouvrage tout comme Elie Saab, pour sa première collection couture, qui transforma le Pavillon Cambon en véritable Fort Knox; il faut dire que les peoples s’étaient donnés rendez vous avec Virginie Ledoyen, Marie-José Croze, Dita Von Teese ou encore les Bowns brothers. Résultat, des flics sur les dents, de grosses belines aux vitres fumées bloquant toute la rue Cambon, une cinquantaine de badauds et à l’interieur quantité de fashion victims et autres visons de riches clientes-souvent orientales- se frôlant.
De Shéhérazade à Lady Gaga
Autant dire qu’on ne sentait pas ici la crise avec des modèles somptueux débordant de broderies avec paillettes, perles et incrustations de pierres, sans que cela ne soit jamais « bling, bling » ou vulgaire. Du blanc avec des fleurs brodées, des robes couleurs chairs « seconde peau » jouant la transparence sans rien montrer, puis un gris perle ou un mauve, summum du raffinement, le styliste libanais fait un sans faute pour cette « Ode à la délicatesse »-il est vrai sans vraiment prendre de risques pour son entrée dans la cour des grands. Le noir clôt ce défilé riche de 48 modèles où la soie, crêpe georgette, tulle, organza et autres shantug de soie composèrent des robes de princesse à l’image de la robe de mariée époustouflante. Celle de Yiqing Yin fut quant à elle pour le moins spectaculaire, enserrant dans une cage de perles la mannequin à l’issue d’un défilé peu convainquant après les modèles superbes exposés en octobre dernier au designer Appartement pendant la fashion week. Les plissés gracieux ont en effet laissés place à des tentatives de modèles certes originaux et très bien réalisés, mais plus adaptés à Halloween qu’à une soirée. Fil blanc façon squelette ou rouge tel des écorchés, pas sûr qu’à part Lady Gaga, cela puisse convaincre…Quant aux jupes patineuse ou à cette robe lézard en fils métalliques, voilà qui est aussi étrange que les coiffures et fait regretter le classicisme de cette chinoise par ailleurs très douée. Cela n’a pas empêché les rédactrices de se presser dans la mairie du 4ème assister à ce défilé comme Valérie Toranian, directrice du Elle France qui tout comme Karl Lagerfeld, a soutenu à sa façon le mariage gay. Chanel qui aura offert tout comme Dior un défilé au milieu des arbres et aura subi de plein fouet la grève Presstalis du mercredi avec pas un quotidien pour parler de son défilé du mardi. De quoi peut être les convaincre d’inviter les sites internet de qualité…
par Laetitia Monsacré
Merveilleuse robe de princesse chez Elie Saab