8 avril 2012
Vendredi Saint et Caravage

A l’Opéra de Metz, on a une façon originale de fêter Pâques. Pendant que d’autres se recueillent en Parsifal et autres passions, ici, c’est le Caravage que l’on invite. Après « Le vase de parfums », sur un livret d’Olivier Py, Suzanne Giraud a osé se mesurer à la vie agitée et à la spiritualité controversée du peintre italien, laquelle est, il faut le reconnaître, une étoffe dramatique de rêve. Et pour ce faire, la compositrice française s’est associée cette fois à Dominique Fernandez, lequel a publié il y a quelques années « La course à l’abîme », roman retraçant l’existence de Michelange Merisi. Ainsi qu’elle nous l’a confié à la petite réception d’après-première, c’est au fil de déjeuners passionnément interminables que la musicienne et l’écrivain ont tissé ensemble le livret, dans un esprit d’écoute et d’émulation mutuelle.

Une musique séduisante et visuelle

Le résultat de cette heureuse collaboration s’avère assez fluide à l’écoute. Rumeurs et calomnies se mêlent dans un magnifique chœur d’ouverture – d’une ampleur peu courante dans la musique contemporaine – haleine de la postérité défigurant le personnage du Caravage à l’image de sa Méduse horrifiée, prévue justement pour le rideau de scène. Les instruments anciens – violes de gambes, luth et théorbe – viennent se mêler aux modernes et donne une séduction particulière à cette musique qui favorise l’intelligibilité du texte. Certes, on avouera quelques longueurs dans un ouvrage qui voisine parfois avec l’oratorio, et des passages seront sans doute retravaillés pour resserrer les effets. Mais nous ne boudons pas notre plaisir à l’égard d’une partition qui semble appeler d’elle-même une mise en scène.

Jarrousky et les autres

A défaut, on peut se concentrer sur la performance des chanteurs, desquels se détache comme attendu Philippe Jaroussky dans le rôle-titre. Si le timbre évanescent du contre-ténor français s’accorde à merveille avec l’étrangeté du Caravage, l’acteur finit par agacer avec ses minauderies incessantes, qui altèrent passablement le caractère sanguin du personnage et alourdit les références à des mœurs que ne manque pas de suggérer le texte. Ses partenaires lui tiennent d’ailleurs la dragée haute, de Maria Riccarda Wesserling, que l’on avait applaudie dans l’ »Orphée et Eurydice » de Pina Bausch à Garnier en février dernier, à Alain Buet, émérite baryton français prodiguant une autorité bienveillante, en passant par Luc Bertin-Hugault, basse remarquable. N’oublions pas enfin l’orchestre de François-Xavier Roth, Les Siècles, l’interprète idéal pour une œuvre qui enjambe l’histoire. Reste maintenant à espérer que les aléas de coproduction qui nous ont privés de la création scénique nous permettent de voir très prochainement l’opéra sur les planches.

 

Par Gilles Charlassier

 

Caravaggio le 6 et 8 avril -Opéra de Metz

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