13 juin 2014
Une Traviata toute en noir à Montpellier

MGA_2962
Avec la colère légitime des intermittents, la saison estivale s’annonce mouvementée, et les premiers échos de ces séismes se sont faits ressentir à Montpellier, où la première de La Traviata a dû être annulée, avanie à laquelle nous avons échappé, ayant choisi une date ultérieure pour voir la dernière production du directeur artistique de la maison languedocienne. On connaît le souci des effets esthétiques de Jean-Paul Scarpitta, et celui-ci le démontre une fois de plus avec une mise en scène figée dans un noir granitique. La couleur de la mort enveloppe Violetta jusque dans les costumes et les coiffes très stylisés des courtisans qui entourent la demi-mondaine. Tout ne semble qu’artifice dans cette fête réduite à un plateau nu où brillent des faces enduites d’or et d’argent. Au milieu de ce ballet de papier glacé, seule l’héroïne avec son visage au naturel échappe à ce masque des convenances auquel se soumet Alfredo avant même l’intervention de son père. Et c’est sous un long voile blanc, tel un linceul, que s’étire le troisième acte et le trépas d’une Violetta qui finit par s’identifier à son double chorégraphique errant tout au long de la soirée, avant s’immobiliser à l’avant de la scène.

Une jeunesse sophistiquée

Dans cette vision où la cohérence visuelle inhibe la direction d’acteurs et l’émotion, Kelebogile Pearl Besong offre une Violetta toute en élégance, non sans une certaine touche de sophistication. Du moins peut-on apprécier les harmoniques nourris de la soprano sud-africaine et l’assurance de sa composition, à défaut d’en être tout à fait touché : sans doute attendrait-on davantage de spontanéité dans cette noblesse qui évite cependant de mimer les grandes divas du passé. Andrzej Lampert lui donne la réplique en Alfredo aux allures de jeune premier et au timbre riche, au risque parfois d’épaissir légèrement l’émission vocale. Entre ce couple photogénique autant que convaincant à l’oreille s’interpose la grisaille du Germont d’Enrico Marrucci, dont il vaudrait mieux oublier la médiocre performance. Il ne faut pas chercher la perfection dans une cour qui se contente d’être généralement honnête, à l’instar de la Flora incarnée par Anaïk Morel, ou encore le Grenvil de Yuri Kissin, figure familière des scènes françaises. On ne manquera pas de saluer les chœurs, préparés par Noëlle Gény, tandis qu’à la tête de l’Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon, Giuseppe Grazioli fait vivre la partition avec une souplesse de tempi et de textures plutôt intéressante, d’autant qu’il ne sacrifie pas les paroles de désarroi des proches de Violetta quand celle-ci vient de rendre l’âme – restituant au finale une force authentiquement lyrique trop souvent éludée.
GC
La Traviata, Opéra de Montpellier, du 4 au 14 juin 2014

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