Nicolas Sarkozy n’a sans doute pas eu le temps d’aller voir le dernier Blanche Neige; il a en tout les cas repris à son compte la tactique de la reine jouée par Julia Roberts qui promet en échange d’ impôts de protéger son peuple contre « la bête » avec pour sa part une référence systématique dans cette campagne à la situation de la…Grèce. En gros « votez pour moi ou sinon, voilà ce qui vous arrivera! ». En juste quoi? C’est ce que nous montre avec une empathie rare dans les documents journalistiques, « I love democracy », dans ce numéro consacré in extremis-il n’était pas prévu initialement dans la collection- à la plus vieille et ô combien chahutée démocratie hellénique. Daniel Leconte et son fils Emmanuel nous entrainent pour cela dans les entrailles de ce pays au bord du chaos avec une colère qui monte chez tous ces fonctionnaires et travailleurs pour lesquels leurs salaires ne suffit désormais plus à les faire vivre. Et là où les médias vont généralement faire un petit tour à Athènes et puis s’en vont, c’est dans les iles de Lemnos que l’équipe a choisi d’aller, aidée en cela par deux stagiaires grecques-de quoi faire la différence. Là dans ces petits villages, la colère monte avec la pêche qui ne permet même plus de « survivre ». Alors on a inventé ici le blocus « à l’envers », en empêchant les bateaux d’accoster tandis que les bergers comme Costas ne sont pas mieux lotis, condamnés à se débrouiller car ses chèvres « crise ou pas crise, elles veulent bouffer ». Aussi est-il réduit à faire du « baby sitting au lieu de l’élevage…« , résumant avec s bon sens des pages de chiffres scrutés par les analystes. Autre témoins, ces jeunes qui donnent leur définition, tout aussi juste, « la crise c’est quand les jeunes ne peuvent plus rêver ». Du rêve au drame, et nous voilà à Drama, ville côtière avec la Bulgarie et la Turquie, passoire de l’Europe avec 80 % de l’immigration illégale. Là ils sont des milliers à espérer aller ailleurs et passer devant ce fonctionnaire qui ne vit pas de son métier, avec un smic qui a baissé de 22% et une TVA multipliée par deux. Quant à cette retraitée, -15 % sur les retraites, il ne peuvent plus rien lui confisquer, « même le manteau n’est pas à moi » ajoute-t’ elle. Vous l’aurez compris, I Love démocracy prend le temps d’écouter les gens, de vivre à leurs côtés avec ce mélange de témoignages de ce peuple fier et éduqué, écoeuré de passer pour des mendiants. « Qu’est ce qu’elle a Merkel? Elle a un problème avec la Grèce? » Reste que, comme le rappelle le commentaire, contre ces 130 milliards d’euros d’aide, la Grèce va devoir changer ce système de clientèlisme qu’elle a mis en place depuis des années-on achète le vote en promettant un poste-de fonctionnaire par exemple. Presqu’un travailleur sur deux l’est ainsi, un quart de l’économie est souterraine, alors pas facile de faire le ménage pour les hommes politiques par ailleurs archi corrompus et qui doivent aujourd’hui, être protégés contre tomates et insultes aux abords du Parlement. Voilà en tous cas l’occasion de mélanger les couleurs afin d’avoir une vision pleine d’intelligence et de poésie d’un peuple qui trouve encore le moyen de s’occuper et nourrir ses chiens errants, persuadés sans doute que la richesse est avant tout dans la générosité…
LM
Diffusé sur Arte mardi 17 avril à 20h30 et sur Arte Replay pendant sept jours