Sur scène, il est un ouragan. Tout d’abord, endormi, faisant dos au public, assis dans un fauteuil en moleskine, de ceux si laids et que l’on ne trouve que dans les hôpitaux. Des néons, des lits métalliques sur roulettes, bienvenue à l’HP. Les costumes sont très tendance avec en ce moment la Coupe du Monde, tous les comédiens étant en joggging. Pour la grandeur du personnage, on repassera donc. D’ailleurs, ce Cyrano, ne serait-il pas un pauvre fou au milieu d’autres qui joue au gentilhomme? La déclaration du balcon se fait par skype, Elton John, Freddy Mercury ou Bashung (sublime) retentissent sur le juke box- vous l’aurez deviné- l’Odéon fait une fois encore dans la mise en scène originale…Mais là où l’on a vu ces dernières années le pire-Un tramway nommée désir et d’autres dont je préfère ne même plus me souvenir le nom- voilà avec la pièce de Rostand une incroyable réussite qui pendant 2 heures 40 sans entracte vous transporte dans la plus belle langue qui soit, projetée dans notre monde moderne. Cyrano refuse les compromis tout comme Alceste « Calculez, avoir peur, être blême,(…) non merci », est amoureux « le baiser, une façon d’un peu se respirer le coeur » et trouve en Philippe Torreton une incarnation époustouflante de dynamisme, de fureur et d’humour. La troupe qui l’accompagne est tout aussi exceptionnelle-il faudrait tous les citer- entre Roxane, perfide innocente, et ces gascons-compagnons d’asile, bien loin de la superbe à laquelle ils étaient jusqu’à présent réduits. Tout cela respire la vraie vie « Ne pas monter bien haut peut-être mais tout seul » et offre un exemple de ce que le théâtre peut offrir de mieux. Alors vite, il reste dix jours…
AW
Cyrano de Bergerac au Théâtre de l’Odéon jusqu’au 28 juin 2014