Le 7 décembre, jour de la Saint-Ambroise, saint patron de Milan, est celui de l’ouverture de la saison de la Scala, avec cette année un Don Giovanni mis en scène par Robert Carsen. L’opéra de Mozart s’invite pendant trois jours sous les arcades des Galeries Vittorio Emmanuele : impossible d’y échapper si vous déambulez dans ce temple du shopping de luxe qui attire les touristes du Duomo voisin. Mais c’est surtout de réserver aux jeunes mélomanes, l’Anteprima- avant-première- du 4 décembre, qui créé le buzz depuis quelques années. Imaginez plus de deux mille spectateurs, de Milan, d’Italie, et du reste de l’Europe, tous âgés de moins de trente ans, ayant acheté la veille leur place pour la modique somme de dix euros, du parterre aux galeries – les premiers arrivés étant évidemment les mieux servis. Vous croyiez que les jeunes trouvaient l’opéra vieillot et ennuyeux ? Eh bien voilà une soirée de quoi faire mentir ces a priori.
Coup de projecteur sur l’opéra
Avec avec cette initiative, Stéphane Lissner, qui dirige cette maison mythique depuis 5 ans, a trouvé un moyen ingénieux de communiquer dans les médias. L’assistance quant à elle singe parfois les manières guindés de leurs parents. Mais voilà que ça commence. Les lumières restent ostensiblement allumées alors que Peter Mattei surgit au milieu des spectateurs, bondit vers la scène et arrache le rideau qui laisse découvrir un vaste miroir dans lequel se reflète la salle. Procédé maintes fois expérimenté mais effet garanti. Robert Carsen a dessiné une mise en scène sur mesure pour La Scala à l’acoustique légendaire, avec des effets de perspectives reproduisant le décor du théâtre. La mise en abyme met en évidence avec une clarté remarquable la puissance transgressive qui gît au fond de chacun et que Don Giovanni incarne de manière archétypale. A la fin de la soirée, il reparaît triomphant, une cigarette à la main – confirmant que depuis qu’il est interdit dans les lieux publics, le tabac a été résolument promu symbole des tabous moraux.
Certains émettent quelques réserves sur les décors, d’autres se montre carrément enthousiastes. Mais, à l’heure des saluts, tous se lèvent pour une ovation à une distribution de grand luxe – Peter Mattei, déjà Don Giovanni à Paris dans la mise en scène d’Haneke, Bryn Terfel, truculent Leporello, l’opulente Anna Netrebko en Donna Anna – et au maestro Daniel Barenboïm. Les passionnés sont ensuite allés recueillir photos et autographes auprès de leurs idoles à la sortie des artistes – seul le chef d’orchestre dédaignant ce bain de foule…
Par Gilles Moiné-Charassier
Séance d’autographes pour Don Giovanni, joué par Peter Mattei