Voilà. Agnès est en terre, à peine un mois après Aurore. Dans les deux cas, une pulsion sexuelle chez un homme, l’un encore adolescent, l’autre père de famille, qui conduit au viol puis au meurtre. Le corps que l’on cache, que l’on brule comme si de rien n’était. Mais voilà, ce rien c’est deux vies fauchées, deux petites filles qui ne grandiront pas et quatre familles plongées dans l’horreur. Car pour qui a vu « We need to talk about kevin »,- histoire de cette mère d’un adolescent meurtrier qui tire sur les élèves de son école- ces deux meurtres, c’est désormais deux souffrances qui se font face, deux descentes aux enfers; pour ceux qui contrairement à l’ordre des choses, enterrent leurs propres enfants et ceux qui vont devoir affronter la vindicte populaire, avec comme double peine pour les premiers et les seconds, l’exploitation de leur malheur, par la presse et les politiques.Les parents d’Agnès n’ont pas voulu de journalistes à l’enterrement de leur fille ce samedi. Comment ne pas les comprendre lorsque l’on a vu sur les chaines d’info continue ces pauvres images de bâche tendue entre deux arbres et ces mots de « viol, corps calciné » rabâchés sans relache, comme une litanie? Ce couple glissant vers l’abime, filmé à sa descente de voiture pour aller dans cette forêt, faire ce que nul homme digne de ce nom ne souhaiterait à son pire ennemi.
Deux jours durant la France a essayé de comprendre, l’on a cherché les coupables, le FN a mis cela en première page sur son site internet et soudain l’impression s’est faite que, à nouveau, c’était la campagne électorale qui-comme en 2005-risquait de se jouer là. Dans la peur de l’autre, dans la volonté de représailles et dans ce qu’il y a de plus bas en chacun.
Il est malheureusement des choses que l’on ne pourra jamais éviter. Toutes les prisons du monde, la répression et les lois ne sauront jamais éviter la folie des hommes. Et il y aura toujours des guerres et des hommes capables de gazer des enfants puis le soir venu d’ aller embrasser les leurs avant qu’ils ne dorment.Pourquoi Aurore, pourquoi Agnès? La vie est ainsi , scandaleuse, injuste et quelquefois comme là, carrément immonde. J’ai lu un jour l’histoire d’une femme dont un homme avait tué l’enfant. Arrété, elle lui dit: »un jour je te tuerai ». Puis tout au long des années qu’il passa en prison, elle vint le voir, lui parler. A sa sortie, elle lui dit alors qu’il n’avait plus rien à craindre car elle l’avait déjà tué. Elle avait tué en lui l’homme qui avait fait cela. Nul doute que les quatre mois que le jeune assassin d’Agnès passa en prison n’ont pas-sans doute en l’absence de personnel, là comme partout ailleurs- permis de « tuer » le violeur et potentiel meurtrier qui était en lui.Il faut savoir que seuls les volontaires- on ne peut forcer personne-ont droit à un entretien psychologique qui dure environ un quart d’heure par semaine, à raison de 7 à 20 entretiens pour le psychiatre par demi-journée de présence dans l’établissement pénitencier! Une fois sorti-car on finit toujours par sortir- là encore l’accompagnement manqua, laissant aux parents cette mission-bien sûr impossible. Aujourd’hui, deux familles sont effondrées et me semble t’il, en colère. En colère car on ne les a pas aidées, ni à protéger leurs enfants, ni à soigner leur fils dont le responsable du suivi à l’époque-Jean Marie Angelini, aujourd’hui à la retraite, ose dire qu’il( le jeune meurtrier) est lui même « l’unique dysfonctionnement »! Belle saillie pour un homme dont c’est le métier d’aider à comprendre le pourquoi d’un tel acte… C’est ainsi toute la faillite d’un système qu’il faut ici juger. Pas seulement les meurtriers comme certains qui reparlent de la peine de mort, le voudraient. Dans cette attente, j’aurais envie de dire que la personne à prévenir dans ce cas d’accident, c’est Dieu.
Laetitia Monsacré