C’est devant une salle dont certains spectateurs s’étaient levés pour applaudir l’exceptionnelle troupe de Cyrano de Bergerac, version Dominique Pitoiset, que Philippe Torreton a, ce mercredi 18 juin , rajouté un ultime vers de quatorze pieds à la pièce d’Edmond Rostand: « Que tous ceux qui ne veulent pas mourir lèvent le poing ». Le public de l’Odéon ne s’est alors pas fait prier, donnant des airs d’officine communiste à ce lieu élegant situé dans les beaux quartiers tandis que nombre d’entre eux signaient à la sortie une pétition, « Moi, spectateur de théâtre, je m’oppose à la mise en place du nouveau régime concernant les intermittents du spectacle, etc, etc… ».
Le vent se lève donc, de toutes parts, avec des festivals réduits à peau de chagrin comme celui de Montpellier, des grèves comme à la Comédie Française ou à l’Odéon et des manifestations où Jean Michel Ribes- pourtant pilier culturel du PS, Denis Podalydès ou encore Jeanne Balibar tentent d’alerter sur ce qui pourrait conduire tout droit vers le RSA de nombreux artistes qui ont déjà tant de mal à assurer leur 507 heures sur dix mois et demi, ce précieux sésame qui leur permettra de renouveler leur « statut ».
Car, pour que le public plus ou moins fortuné-du Festival d’Aix en Provence où notables se retrouvent pour écouter cette édition 2014-si elle a lieu-Mozart et sa Flûte Enchantée ou encore Ariodante d’Haendel, à celui qui sillonne les rues d’Avignon, hypra-sollicité par des compagnies qui investissent au minimum 20 000 euros pour un spectacle dans le OFF, le divertissement est sans risque…
Au pire, regrettera-t’il la place qu’il a payé si le spectacle lui a déplu. Mais pour l’artiste? Voilà qui est tout autre. C’est un loyer à payer- oubliez de vouloir devenir propriétaire lorsque vous êtes intermittent- les heures non rémunérées des répétitions, des transports non défrayés; quant au tickets restau, on en parle même pas. Alors, oui, ces gens-là méritent d’être protégés et non privilégiés comme certains le croient, face au tout rentable qu’impose le monde du travail, Medef en tête. Le modèle économique de la culture est aujourd’hui, à part pour Gad Elmaleh ou Damien Hirst, quasi inexistant comme le montre dans les musées, les expositions qui sont dans 80 % des cas sans rentabilité avec la billetterie seule.
Avec la crise, celles ci sont ainsi de moins en moins scénarisées, avec un certain ennui qui se dégage de plus en plus pour le visiteur qui est passé de Marie-Antoinette ou les Impressionistes vus par Robert Carsen au Grand palais ou Orsay, à cette saison, Moi, Auguste Empereur qui semble sortir des années 80 ou encore Joséphine au Musée du Luxembourg, aux allures de dépôt vente. Quant à Martial Raysse au Centre Pompidou, dont la plupart des oeuvres sont issues de collections privées, pas sûr qu’il soit représentatif de ce que l’art devrait être aujourd’hui. Avec ses néons, collages et plus récemment ses dessins très moyens, la rétrospective prouve malheureusement que l’argent et la culture ne sont pas des plus compatibles, comme l’a montré le prix Sagan-lire notre « Ça c’est Paris », sponsorisé par Louis Vuitton et ainsi vidé de toute son essence…Maintenant, c’était ça ou rien répondent certains, alors place au principe de réalité?