20 mars 2012
Odyssée humaine


On aurait pu croire à un nouveau Respiro. Une île, celle de Lampedusa avec sa mer bleue ciel et ses paysages arides, le quatrième long métrage d’Emanuele Crialese se déroule dans le même décor que celui de son premier film.-prix de la critique à Cannes en 2002 et  portrait magnifique d’une femme étouffant dans sa vie d’insulaire. L’île sicilienne est devenu en 2011 le théâtre de deux histoires qui se croisent. Celles des marins pêcheurs s’entêtant à sortir en mer alors que les poissons deviennent de plus en plus rares et attrapant désormais  des hommes rejetés par les vagues dans leurs filets. C’est eux qui sont l’autre face de ce portrait croisé, ces clandestins qu’ils repêchent, les sauvant de la noyade mais aussi de la police. Ainsi, Ernosto, un vieux pêcheur ramenant chez sa belle-fille une Ethiopienne sauvée des eaux avec l’aide de Filippo, son petit-fils. Il se fera confisquer son bateau par les autorités, sans cesser de croire avoir bien agi. Car son geste met à mal le tourisme local. Le fruit de la pêche n’étant plus suffisant pour vivre, les habitants vivent des touristes pendant l’été. Auxquels il leur faut cacher la réalité et ses clandestins de plus en plus nombreux à s’échouer sur l’île.

Le réalisateur, Emanuele Criasele ne pose pas de questions. Ne tente pas d’apporter une quelconque morale. Il filme juste les réactions de ces insulaires face à la misère humaine, et leur réponse à cette question simple de savoir si l’on doit laisser quelqu’un dans le besoin mourir devant nous. De quoi montrer l’équilibre délicat entre préserver ses propres intérêts et rester passifs, chacun agissant pour ce qu’il pense être la meilleure chose à faire.


Voilà un film qui montre comment les corps des clandestins sont rejetés sur la plage  où bronzent des touristes arrivés par bateaux, les boat peoples perdus en pleine mer qui côtoient  les embarcations des touristes s’amusant en maillots de bain. Les  acteurs sont tous inspirés et émouvants, exprimant tour à tour, l’incompréhension, la colère, la joie. Affublé d’un sourire qui se fanera au fur et à mesure de la perte de son insouciance juvénile, Filippo Pucillo, 20 ans, acteur fétiche du réalisateur montre combien dans la partie de survie qui se joue, chacun cherche avant tout à sauver sa peau, loin du bien ou du mal. Un film beau et salutaire pour comprendre ce que les hommes politiques ne cessent de décrire comme une menace alors qu’avant tout il s’agit d’hommes et de femmes comme nous.

 

 

Par Sarah Vernhes

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