18 avril 2019

J’étais dans la maison familiale, à la campagne, quand je m’apprêtais à récupérer l’écume de l’allocution télévisée du Président de la République. Une rumeur de report et d’incendie depuis le poste. Je songeais à l’Elysée ou quelque bâtiment officiel touché par un sinistre, bien loin de m’imaginer Notre-Dame en flammes. Une fois devant les images, l’abasourdissement, comme pour la plupart d’entre nous.
Pourtant, je suis rarement entré à l’intérieur de la cathédrale, deux fois, trois peut-être, dont une pour un concert. L’acoustique était loin d’être idéale, mais les harmonies bleues des vitraux et de la nuit, mêlées à la musique ont cependant laissé une trace dans ma mémoire. Je me disais qu’il faudrait y retourner, dans ce sanctuaire d’Histoire et de Foi. Les files qui s’allongent avec les beaux jours et les mesures de sécurité post 2015 me dissuadaient en même temps que les sollicitations de l’agenda. Plus que le parvis, grouillant de tourisme, c’est le chevet que j’observais, à la dérobée, depuis le pont d’Austerlitz, à pied ou en bus, ou, plus rarement de l’île Saint Louis, comme la nuque ou le dos d’un personnage familier, au-delà du papier glacé de la carte postale. Si le choc devant la défiguration de cette aïeule multicentenaire est bien compréhensible, c’est tout de même un miracle qu’elle n’ait jamais connu avant de tels outrages au cours de son existence traversée de guerres et d’émeutes, qui viennent nous rappeler la fragilité de toute construction humaine.
Passée la sidération émotionnelle, les affaires économiques reprennent. On ne peut que se réjouir de l’élan de solidarité patrimoniale, qui n’épargne pas les plus grandes fortunes, rivalisant parfois de générosité dans une sorte de bataille égotique. Les débats sur la reconstruction ne manqueront pas, oubliant que Chartres et Reims ont bénéficié des innovations techniques de leur époque de restauration – l’acier pour l’une, le béton pour la seconde dans la reconstitution de la charpente : l’oeil n’y voit que du feu, si l’on ose dire. Mais l’on ne peut que s’agacer de l’injonction de politiques pressés de rendre au bâtiment sa splendeur pour des Jeux Olympiques que l’on aurait été plus inspirés d’annuler. Et les arguties sur la perte économique me semblent un rien déplacées, quand on sait que la gratuité dans l’entrée des édifices religieux voués au culte est régie par la loi 1905, certes jugée obsolète par les communautaristes et les financiers – les uns et les autres revenant finalement au même. A moins de déposer la cathédrale : sans doute le Tourisme aura-t-il raison un jour des forces de l’Esprit – pour paraphraser un ancien président qui ne confondait pas la culture en seules devises sonnantes et trébuchantes…

Par Gilles Charlassier

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