C’est une bonne heure le week-end qu’il vous faudra patienter pour aller voir la magnifique exposition Chagall, entre guerre et paix, parcours d’un « juif errant », de sa Russie natale à la France en passant par les Etats-Unis. Une révolution en 1917, deux conflits mondiaux, l’exil, Chagall, mort presque centenaire, a été marqué par les grands événements du XXème siècle en faisant l’allégorie dans ses toiles. « J’ai choisi la peinture. Elle m’était aussi indispensable que la nourriture. « De l’autoportrait ou Les amoureux en vert -hommage à Bella, sa fiancée- de la première salle, aux grands formats aux thèmes solaires ou mythologiques de la fin de l’exposition, toute la magie des couleurs, l’onirisme de ce peintre poète est là, avec des hommes qui prennent la tête d’un coq -double de Chagall, lié à l’amour- ou d’un cerf. Le rêve est chez lui conscient et l’animal respecté comme une parcelle du divin tel que le prévoit la religion hassidique. « Une fenêtre à travers laquelle je m’envole vers un autre monde », voilà ce que la peinture fut pour lui, citoyen de seconde zone comme les 5 millions de Juifs dans cette grande Russie où les pogroms étaient fréquents et le Juif obligé à avoir un passeport pour se rendre à Moscou.
Alors très vite le couple va s’imposer chez lui comme la seule structure sociale capable de le protéger, grand amoureux qu’il fut de Bella jusqu’à la mort de celle-ci . « Je suis entré dans une maison nouvelle et j’en suis inséparable ». Avec elle, il vivra cette guerre qui se répand dans sa ville natale et garnison de Vitebsk, avec l’uniforme du soldat qui passe du vert au vert-de gris et l’encre de Chine qui s’impose pour les scènes de désolation dans les rues, l’exode.
Condamné à l’exode
De là naîtra aussi sa figure de « l’homme de l’air », vagabond allant de ville en ville et cet exil qui l’amènera à Paris en 1923 où il illustrera la Bible« la plus grande source de poésie de tous les temps » dont douze gouaches sur les quarante représentant les scènes de la Genèse sont exposées ici, inspirées de ses souvenirs et de son voyage en Palestine. Mais bientôt, les temps sombres reviennent, l’exil à nouveau, cette fois aux Etats-Unis ou réfugié à New York, dont il ne fera pas un tableau. Il multipliera les toiles sur Paris, symbole de la Résistance. Le rouge traduit la violence de l’époque, ses toiles se nomment Résistance, Résurrection, Libération avec le thème de la crucifixion qui devient récurrent. 1944, Bella meurt, sa bien-aimée dont il disait « son silence est le mien, ses yeux les miens »; il multiplie alors les toiles « hommage », comme ce nu, A ma femme. Il réalisera les décors et costumes de l’Oiseau de feu de Stravinski puis reviendra seul en France, vivre à Orgeval puis à Vence. Là, le bleu redeviendra vif, les honneurs se multiplieront-plafond de l’Opéra de Paris en 1964, vitraux de l’ONU. Des années où la sérénité s’imposera comme cette Danse qui clôt ce voyage onirique et chatoyant, avant la boutique-immanquable dans ce musée, mais qui réserve une très belle sélection: le petit dictionnaire Chagall en 52 symboles chez la RMN, l’Ancien testament format bible de prière, illustré par Chagall aux éditions du Chêne, ou encore les Fables de la Fontaine illustrées de 43 gouaches. Des belles et intelligentes idées cadeaux…
AW
Chagall, entre guerre et paix, jusqu’au 21 juillet 2013 au Musée du Luxembourg