8 juillet 2014
Les Flâneries musicales de Reims sous le signe de l’ailleurs

20140705-NiquetCathedrale-42
Cela fait désormais un quart de siècle que, chaque début d’été, pendant trois semaines, Reims célèbre la musique, flânant à travers la ville – cinquante-sept concerts répartis dans trente-huit lieux –, à la rencontre de ses habitants et ses visiteurs, en après-midi comme en soirée. De toutes les places investies, la Cathédrale est sans doute l’une des plus prestigieuses. C’est en ses murs que le Concert Spirituel fait revivre, samedi 5 juillet, un office de la Saint-Jean à Florence – l’une des plus brillantes cours d’Europe d’alors – tel qu’un maître de chapelle de la Renaissance pouvait le composer, mêlant ses créations à celle de ses contemporains ou prédécesseurs.

Un voyage hors du temps

Pendant un peu plus d’une heure, baigné par la lumière bleutée des vitraux, le spectateur est plongé dans un bain vocal d’un raffinement inouï, porté à son acmé par la Missa sopra Ecco si beato giorno qu’Alessandro Striggio a écrite pour quarante voix, prouesse de la polyphonie admirée et enviée en son temps, et qui constitue la colonne vertébrale de la soirée. Les oreilles habituées au spectaculaire baroque, lequel aurait sans doute pâti de l’acoustique réverbérée de la nef, ne manqueront pas d’être surprises par la concentration des effets. L’écriture subtile et complexe s’attache à créer un tissu vocal, jouant des nuances de densité sonore comme d’une étoffe changeante et lumineuse. L’intelligence du texte cède la préséance à l’expression musicale de la plénitude divine. Si chacun des chanteurs a sa contribution originale, celle-ci ne prend sens que dans l’harmonisation collective, véritable hymne à la puissance du contrepoint où se fond la mélodie, comme moyen de décrire et d’approcher l’irradiante puissance céleste. Le plain chant de Francesco Corteccia – comme celui de sources restées anonymes –  qui relie certaines des séquences de la messe contraste en apparence par sa simplicité, même s’il poursuit les mêmes buts spirituels. Le voyage dans le temps s’achève sur une autre partition extraordinaire de Striggio, un motet Ecce beatam lucem, également conçu pour quarante solistes. L’on ressort alors de la cathédrale avec un parfum d’ailleurs dans la tête.
Le lendemain, c’est au Cirque, à deux pas de la gare, que Magali Léger et l’Ensemble Contraste se replient, la pluie insistante ayant dû faire renoncer au domaine des Crayères, un peu hors du centre ville. La comédie américaine est mise à l’honneur avec West Side Story, The Wizard of Oz, My Fair Lady ou encore An American in Paris, que la chanteuse française entonne de son timbre langoureux. Ses comparses la suivent avec une irrésistible complicité, jusque dans des tangos aussi rythmés que mélancoliques, où l’on ne fait naturellement pas l’impasse sur Piazzolla. Concert en format court comme souvent pour les Flâneries – une heure et demie – mais plaisir de l’exotisme maximum garanti : un excellent remède contre la grisaille du dehors.
GC
Flâneries musicale de Reims, du 19 juin au 11 juillet 2014

Articles similaires