Ce n’est pas un petit pari que de réaliser une nouvelle version cinématographique de l’Homme qui rit, quarante ans après celle de Jean Kerchbron, quatre-vingt ans après celle de Paul Leni, un siècle et demi après le roman de Victor Hugo… C’est pourtant ce qu’a fait Jean-Pierre Améris, rendant hommage à la différence, la laideur, le complexe, au travers d’une adaptation qui se concentre exclusivement sur le personnage de Gwynplaine, un jeune homme au visage meurtri sous le couteau de sales gosses.
« Ris. Tout le monde rira avec toi. Pleure. Tu sera le seul à pleurer «
C’est l’histoire de deux jeunes orphelins recueillis par un forain philosophe-Ursus, joué par Gérard Depardieu en pleine tempête de neige. Le garçon, Gwynplaine est marqué au visage par le sourire de l’ange, et la jeune fille, Déa/Christa Théret, par sa cécité. Ils vont tous les deux devenir de véritables bêtes de foire en mettant en scène leur propre histoire dans un spectacle qui connait un succès monstre ; mais ce triomphe, cette mise à nue, les mènent peu à peu vers un destin incontrôlé et tragique, qui ressurgit des méandres du passé. Le film témoigne de la pression sociale qui règne sur une humanité prisonnière du conformisme collectif et de la fascination pour l’horreur qui se confond avec celle du sublime.
Un conte de l’absolu
On retrouve dans ce film un univers marqué par les couleurs et l’atmosphère d’un film pour enfants. L’imaginaire triomphe et nous amènerait presque sur le chemin des lieux communs d’une époque qui n’a finalement pas existé : les personnages sont grotesques, leur distribution manichéenne, et les décors absolument fantasmés – de ceux dont la lumière est sombre et jaune, le ciel menaçant, et les contrastes symboliques. De quoi faire penser à l’univers fabuleux de Tim Burton – avec un héros monstrueux, une jeune femme au visage pur et un décor carnavalesque, et rendre ce film accessible à un public très large…