Après Tarantino et son Django Unchained-2h44 et Kathryn Bigelow-Zero Dark Thirty-2h37, voilà le Lincoln de Spielberg qui arrive -2heures 30. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est une magistrale leçon de politique que nous offre le réalisateur d’ET, Indiana Jones ou La liste de Schindler. En tête du box office américain, le film est pourtant pour le moins austère; il revient sur la guerre de Sécession et surtout sur le vote par le Congrès américain du 13ème amendement qui mit un terme à l’esclavagisme. Première séquence, Lincoln, véritable géant, apparaît de dos, assis sur un fauteuil, fidèle à sa représentation monumentale en marbre qui trône à l’entrée du Mémorial portant son nom à Washington. Car ce 16ème Président des Etats-Unis a été sans doute un des plus charismatiques des Etats Unis-on en est au 44ème- n’hésitant pas à sortir de la légalité avec cette idée que « la fin justifie les moyens » ou plus prosaïquement que « l’on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs ». Images oniriques, Lincoln guidant la nation comme un vaisseau, le film s’attache à rappeler ces heures sombres où l’on achetait un enfant noir pour 500 dollars et où tous les Noirs étaient considérés comme des voleurs de poules.
Ode à la tolérance
Pour composer avec ce racisme primaire, Lincoln usa de son intelligence et de son statut de demi-dieu. Et s’arrangea en achetant quelques voix que sa loi passe, non sans suspense, dans ce Congrès où la majorité était pour l’esclavagisme, très profitable à l’économie, persuadée que le Noir n’était pas l’égal du Blanc. Daniel Day Lewis est époustouflant, racontant en toute occasion ses histoires ou lorsqu’il prononce un discours composé d’une unique phrase « Je vais hisser le drapeau et ce sera au peuple américain de le veiller! » concluant » That’s my speech! ». Certes, il y a quelques longueurs tant Spielberg semble être tombé amoureux de son personnage, mais quels jeux d’acteurs que tous ces seconds rôles, quelle intensité dans ces débats avec cette obligation pour certains comme le député joué avec bonheur par Tommy Lee Jones, fervent abolitionniste, de devoir faire profil bas pour voir ses convictions l’emporter. Lincoln, homme politique, mais également mari et père, le film est une véritable ode à la tolérance et à l’intelligence politique, adapté du livre de Doris Kearns Goodwin qu’ Obama a qualifié « d’oeuvre remarquable sur un meneur d’hommes exceptionnel ». On ne peut que confirmer.