Poutine la joue va-t-en-guerre et les bourses vacillent. Les traders sont à la fête, avec ces milliards virtuels qui changent de main. Ça doit en boire du champagne sur les fesses des filles genre Le Loup de Wall Street tandis que les pauvres ukrainiens n’ont que leur regard pour tenir front à l’envahisseur russe. Rien que de très normal puisque, selon Jean-Louis Servan Schreiber, les riches ont gagné. Enfin comme cela, tout le monde le sait, lui s’est demandé: Pourquoi? La question est bonne. Il y répond plus ou moins en sept chapitres dans lesquels il rappelle la grande différence avec « avant »: leur multiplication et leur rayonnement. Mais d’abord c’est quoi un riche? Selon Capgemini, c’est le million de dollars. Alors là, tout propriétaire à Paris se dit qu’à l’image de Monsieur Jourdain, il était riche sans le savoir…Un peu plus de 400 000 « millionnaires next door » donc en France. Mais, là où cela devient plus « juicy », c’est après 30 millions de dollars, soit un peu plus de 100 000 personnes en ce bas monde. En France, nous avons nos 500, classés chaque année par le magazine Challenges et qui font de notre pays le 6ème plus riche au monde, « loin devant l’Inde et la Russie ». Et oui, si l’on ne voit qu’eux à Courchevel-la plus grande concentration d’hôtels 5* au monde, buvant comme de la vodka les plus grands crus- et si la Chine où « 0,05% de la population contrôle 40 % de la richesse possédée dans le pays », le dragon ou Poutineland restent encore en nombre de millionnaires bien derrière l’Allemagne.
La sécession des riches
Un état de fait mais également une vraie réflexion qui enrichissent ce livre écrit par celui qui fut le patron de l’Expansion, ou de la Vie Française, magazines phares du capitalisme de la fin du XXème siècle. D’abord, un dernier chiffre éloquent: au delà de » 15% de la population, les gouvernements savent que les pauvres ne constituent pas une menace explosive ». Vive la classe moyenne donc qui subit, pourtant dans son TGV ou le soir sur M6 et cie, des médias qui vantent tout ce que vous pourriez vous offrir si vous étiez riches…et qui appartiennent bien souvent à des gens qui le sont (Edouard de Rothschild est actionnaire de Libération...). Entre sportifs et grands patrons, « quand on brasse des milliards, on vous paye des millions », la course folle s’est enclenchée avec des dirigeants payés trois fois plus qu’en 2000 et pas forcément avec de meilleurs résultats…
Reste une fracture qui s’est élargit depuis l’après guerre grâce à des économistes comme Milton Friedman et des gouvernements qui ont renoncé à toute réglementation laissant les financiers imposer leurs règles, ce qui a donné le joli résultat qu’aux Etats-Unis (merci Reagan), « entre 1979 et 2006, les 10 % les plus riches ont accaparé les 2/3 de la croissance ». En France, pas mieux, ces mêmes 10 % en ont capté un tiers. Le terreau d’une « sécession », qui n’a pas atteint encore le niveau de guerre, avec une crise qui impacte beaucoup plus les pauvres que les riches, avec l’ascenseur social qui tombe en panne malgré « depuis l’an 2000, la richesse mondiale qui a progressé de 70 % ». Pour conclure, Servan-Schreiber pose la question: Est -ce bien moral? Le pape François peut faire ses homélies au balcon de Saint Pierre de Rome et tenter de faire le ménage au Vatican, « ni l’église, ni la politique n’ont les moyens de pourfendre les riches, car l’un comme l’autre ont besoin de leur argent ». Bref, on semble dans une voie sans issue même si le livre se veut dans ses dernières pages optimiste. A voir les pages de pub pour les marques de luxe dans le magazine Clés dont l’auteur a également la direction, c’est, en attendant des jours meilleurs, eux qui ont aujourd’hui tous les pouvoirs…
AW
Pourquoi les riches ont gagné de Jean-Louis Servan Schreiber publié chez Albin Michel, 14,50 euros
Pour aller beaucoup plus loin, on vous conseille Les milliardaires, comment les ultra riches nuisent à l’économie de Linda McQuaig et Neil Brooks chez Lux ou Monique Pinçon-Charlot, Michel Pinçon, La Violence des riches, Zones, 2013