26 octobre 2012
Jérôme Ferrari/ Le mythe d’une éternité

Un témoignage de la mélancolie moderne? Après le succès d’Où j’ai laissé mon âme, Jérôme Ferrari est devenu le favori du prix Goncourt qui sera remis le 7 novembre prochain et également visé par les prix Femina et Interallié pour sa dernière parution Le Sermon sur la chute de Rome, qui suit la voie du roman philosophique.
Il y a en ligne de fond la théorie du meilleur des mondes de Leibniz, l’absolu d’un idéal à atteindre, mais en ligne de mire le fatalisme d’une vie sans croyance, sans espoir, l’abandon du divin à travers l’épopée de deux jeunes amis étudiants en philosophie qui décident, au terme de leurs études, de reprendre le bar du village corse dans lequel ils ont grandi.
C’est l’histoire, dégénérescente, d’un passage du monde intelligible au monde sensible. L’application de théories dans lesquelles est fondé un espoir certain, se révèle être ici le lieu d’un cauchemar grandissant. Rien n’est éternel sauf l’ennui causé par l’habitude, un ennui dans lequel Matthieu et Libero s’enfoncent sans même s’en apercevoir, auquel ils s’accrochent comme au dernier pilier d’un empire en ruine, regardant leur passé avec un vertige insupportable. L’absence, personnifiée dès les premières pages par la figure du grand-père, domine le champs du récit  : l’absence d’un père, d’un fils, d’une terre natale, l’absence d’un équilibre, qui mènent finalement au tragique. Ainsi soit-il.

Une course à la vie

Jérôme Ferrari nous relate l’histoire d’une confusion entre le monde de l’enfance et celui des responsabilités, entre le monde de la réflexion et celui de la chair et du vice. Et ce, dans une langue maîtrisée à la perfection, qui nous entraîne dans un vague à l’âme au rythme de phrases gisantes sur la scène de la désillusion. Son langage balance entre la description somptueuse d’un passé nostalgique, d’un avenir espéré, et un présent restitué au travers de sa cruauté, son pragmatisme et sa vulgarité. Il est clair qu’il parle un langage universel et cela peut déranger  ; mais n’ôtons pas à Jérôme Ferrari l’aptitude à transmettre une réalité signifiante quoique sombre, et qui promet, malgré tout, de donner suite au cours de l’existence. Le style de l’auteur, jugé parfois trop lourd, illustre avant tout le flot continu d’un temps qui passe mais ne se dompte pas  , « car Dieu n’a fait pour toi qu’un monde périssable, et tu es toi-même promis à la mort ».

 

Par Marie Fouquet

Le Sermon sur la chute de Rome, Actes Sud, 19 €

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