5 novembre 2011
Isabelle Huppert, forever

 

 

 

 

 

A l’affiche du dernier film d’Anne Fontaine qui sort mercredi 9 novembre, « Mon pire cauchemar » avec  Benoit Poelvoorde « qui n’en a pas du tout été un » précise-t’ elle, Isabelle Huppert était l’invitée de Télérama par l’intermédiaire de Fabienne Pascaud, directrice de la rédaction, au théâtre du Rond Point pour une rencontre avec le public. Elle arriva sur scène, devant une salle comble, fine silhouette d’adolescente, pantalon et blouson noirs éclairés par l’orange de son chemisier et davantage encore par l’évanescence de son visage, de sa chevelure et de sa présence.

« Un acteur, c’est friable! »  Isabelle Huppert cite Michel Bouquet. Elle le rejoint dans cette analyse;  pour elle un acteur « ça peut être fort, mais à tout moment peut se casser ».
Un constat qui lui fait porter la responsabilité suprême d’un film sur la sensibilité du metteur en scène » par sa manière de créer une atmosphère, une lumière, un plan ».
Tout est donc entre les mains et l’intelligence du metteur en scène  car « ça ne se dirige pas comme un cheval, un acteur ! Et il faut s’y prendre d’une manière subtile pour me diriger ! »dit-elle assurée.
Jusqu’au moment magique où surgit la vie. Car pour Isabelle,  jouer, c’est  » improviser, le contraire du contrôle… »
Elle ne connait pas donc pas de méthode « Je ne sais même pas ce qu’est  l’Actor’s  Studio » dit -elle avec ironie,  relativisant le rôle de l’enseignement du métier d’acteur. « Le conservatoire, ça donne une sorte d’identité , c’est tout ». La notion de personnage lui est ainsi étrangère. « Il faut résister au personnage, ce n’est que des contraintes. Je suis une personne,  je fais circuler du vivant et quand je joue, un rôle, c’est moi, mes cheveux, mes yeux ! Si je joue Médée,  je joue avec ce que je suis, Médée, c’est moi ! ».
Alors Isabelle, quel est votre secret ? Vous qui êtes capable sans un mot de tout suggérer, vous qui pouvez faire sentir l’insondable, vous qui pouvez tout risquer ? lui demande Fabienne Pascaud.
« Je travaille beaucoup par le costume, le reste  vient tout seul ». Elle ajoute, « le mot que j’aime beaucoup, c’est le mot amateur ; j’aime laisser surgir les choses et rester dans une incertitude ».

Une attitude qu’elle sait risquée car « la vérité est moins perceptible que l’artifice. Parfois je me dis que personne ne va s’apercevoir que je suis bien !  »

Isabelle s’en amuse sans cependant s’en inquiéter,  « être juste, être vrai, c’est comme une musique  et j’ai l’oreille absolue ! Il faut utiliser ses manques  et les métamorphoser en quelque chose en plus- les failles, les tremblements, c’est ça que l’on voit à l’écran ».
On comprend alors l’alchimie de la rencontre entre un acteur et un metteur en scène qu’Isabelle suivra « avec confiance jusqu’à la cécité ». Ceux qui l’ont dirigée sont célèbres et partagent tous sans exception  » l’art de la rectitude, du détail ». Ainsi en est-il de  Michel Haneke, sans doute celui à l’avoir le plus marquée.
On se demande alors, est-ce si facile d’être actrice? Une coiffure, un vêtement, et un bon metteur en scène ? C’est alors que Jean-Michel Ribes, jusqu’alors discret, se lève et  livre le secret  d’Isabelle Huppert « Tu as la grâce !» 
Au théâtre comme au cinéma, à travers aussi ses portraits pris par les plus grands photographes, Isabelle  offre ainsi cela-inconditionnellement. Et de conclure, « il y a une chose avant tout, c’est le plaisir du regard des autres posé sur soi, c’est comme une fêlure, un besoin permanent, presque une servitude qui demande d’être en permanence nourrie». Sans doute est ce que tous les comédiens partagent à défaut du talent, ce besoin d’être reconnu…

par Marine Romane

(visuels en une : dessin © Joel-Peter Witkin)

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