26 septembre 2018
Et vogue le navire

30 000 morts en deux ans- l’équivalent de la population de la ville de Mont de Marsan- une chance sur 20 de mourir en mer et deux fois plus de morts qu’en 2017, combien de chiffres, combien de reportages, combien d’appels du Pape pour que la Méditerranée cesse d’être un immense cimetière? L’interdiction faite à l’Aquarius de débarquer à Marseille les 58 réfugiés secourus cette semaine et la perte de son pavillon Panaméen sous la pression de l’Italie  a une nouvelle fois confirmé le durcissement des pays européens face à la crise migratoire. Depuis 2016, l’association SOS Méditerranée avait secouru 29 000 personnes entre février 2016 et l’été 2018. Elle était également le dernier navire humanitaire présent en Méditerranée, seule ONG contre encore huit présentes l’an dernier, à assurer des missions de secours pour environ 40% des personnes recueillies.

« Aller là où personne ne veut aller »

À l’origine du projet SOS Méditerranée qui compte aujourd’hui 450 bénévoles, une Française, Sophie Beau, humanitaire, et un Allemand, Klaus Vogel, ancien commandant de porte-containers. En 2015, ils lancent une campagne de crowdfunding, récoltent un million d’euros indispensable au lancement du projet et achètent l’Aquarius, un vieux bateau d’assistance aux pêcheurs de 611 tonnes, propriété d’une société allemande. Adieu la Baltique, c’est au large des côtes lybiennes- 90 % des départs de migrants- que les 35 membres d’équipage, la plupart trentenaires, vont se consacrer aux sauvetages, avec un médecin, deux infirmiers et une sage-femme de Médecins sans Frontières. Chaque matin, la journée commence par l’étude des prévisions atmosphériques du moment, l’étude des mouvements de houle, l’analyse des vents et des courants, pour déterminer les meilleures “fenêtres de tir”, celles où les trafiquants lanceront les canots de migrants à l’eau. Une fois les premiers migrants secourus à l’aide de zodiacs, le pont se couvre alors de couvertures polaires, avec distribution de repas pendant les deux jours pour atteindre l’Italie. Enfin, ça c’était avant le mois de juin 2018. En août dernier, l’Aquarius a dérivé avec 255 rescapés cinq jours durant sans que l’Italie et son nouveau gouvernement d’extrême droite ne leur accorde le droit d’accoster. Idem pour Emmanuel Macron auquel n’a pas échappé que les électeurs LR et RN étaient à plus de 80 % opposés à l’accostage du navire en France. Marseille n’accueillera donc pas le navire humanitaire, malgré, comme le soulignait dans son billet sur France Inter Nicole Ferroni « que de l’Estaque à la Joliette, il reste un passage bien dégagé pour garer l’Aquarius car là comme au vieux port, ce qui nous en bouche un coin, ce n’est pas la sardine mais le manque d’empathie ». Chaque jour en mer coûte 11 000 euros, alors pour aider cette ONG à taille humaine, gage que votre argent n’ira pas dans le budget pub ou dans l’envoi de courriers, donnez.

Par Laetitia Monsacré

 

 

 

 

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