18 juillet 2022
Drame dans les Landes

16 000 personnes évacuées, 14 000 hectares soit la superficie de la ville de Paris brûlés, des flammes de 100 mètres de haut, les chiffres sont terrifiants; les images aussi même si le meilleur cameraman du monde ne saura jamais rendre compte des incendies qualifiés pudiquement « hors norme » qui embrasent depuis plus d’une semaine la Gironde. L’odeur du brûlé, le ciel gris de fumée et cet affreux sentiment d’impuissance et d’attente face à une nature qui, cette fois dans notre pays-même, hurle une fois encore ce terrifiant message: le réchauffement climatique est définitivement là et, pour reprendre les mots du physicien Aurelien Barrau, « Nous n’allons pas dans le mur, nous y sommes déjà ».

Une guerre en chasse une autre. La guerre en Ukraine a disparue des Une des journaux télévisés ou papier qui face à cette guerre du feu hexagonale renchérissent de chiffres, et d’ images à jamais désincarnées pour tous ceux qui n’ont jamais marché dans ces forêts aux pins immenses; senti cette odeur unique et incomparable de ce département voulu comme le « grenier à bois » de la France avec ses routes rectilignes et monotones où rien d’autre ne pousse dans la terre sableuse que de la bruyère et ces conifères géants, avec à leur pied, déjà la relève. Car pour connaître réellement une forêt, il faut s’y être perdu; avoir ressenti cette impression de n’être qu’un petit amas d’os et de chair, définitivement de passage dans ce paysage qui s’est dessiné sur des siècles. Il faut avoir foulé ces sentiers sablonneux qui se ressemblent tous, s’être enfoncé dans la végétation et tenté de s’orienter avec le soleil à défaut de boussole comme un marin perdu dans l’océan. Alors les souvenirs remontent et l’émotion gagne avec la mémoire de ces marches flattant autant les sens que, non loin de là, les baignades océannes.

Il y a aussi bien sûr la mémoire de ceux que l’on aime et qui peuplent cette forêt; l’inquiétude, la peur ou la fatalité d’imaginer ce qu’ils vont devenir dans ce brasier. Le bilan humain est pour l’instant nul, mais qu’en est-il de tous ces animaux qui en ont fait leur logis? Sauront-ils, pourront’il fuir à temps? Personne ne peut apporter de réponse ni établir de bilan pour tous ces êtres vivants qui sans chaînes, sans laisse, sans collier participaient à la vie de la forêt, lieu ô combien vivant et parfois hostile. Mia avait un an, blanche et noire, le ying et le yang. Une petite chatte parmi des milliers de félins domestiqués en Gironde comme à travers le monde. Des heures j’ai marché, griffé mes chevilles dans les épineux, crié son nom pour qu’elle revienne dans la ferme où je l’avais laissé quelques jours. Parfois je ne pense plus à elle, ayant définitivement choisi de la croire arrivée dans une maison accueillante ou devenue sauvage comme un mini lynx hantant la forêt landaise. il est certain que celle-ci lui offrait un terrain de chasse autrement plus excitant que le salon de mon appartement parisien ou le petit hectare de ma maison de campagne. D’ailleurs, elle aimait à sortir sur le chemin creux suivant le chien jusque dans nos ballades entre les champs labourés. Mais alors que le feu dévore tout sur son passage, que les pompiers luttent jour et nuit pour sauver des habitations, je ne cesse de penser à elle. D’espérer que ce qui ne fut pas vraiment son choix de s’enfoncer sous les pins ne fasse pas d’elle une petite victime oubliée, un tout petit tas de cendre avant que son heure soit arrivée. Les larmes coulent sur mes joues, aussi vaines que les tentatives des pompiers de « fixer » ces feux jusqu’à présent. Et de sauver ainsi tous ces arbres, ces buissons où des vies de fourmis, de sangliers et d’autres Mia sont en train de disparaitre.

Par Laetitia Monsacré

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