9 février 2012

 

La réputation des taxis parisiens n’est plus à faire, et avec l’augmentation de leurs tarifs de près de 4% que Nicolas Sarkozy leur a accordée au début de l’année,voilà qui ne devrait pas la rendre meilleure… Il est cinq heures trente ce vendredi matin, et en dépit d’une météorologie passablement clémente – plus qu’en ce moment en tous cas – d’un coup , le luxe inoui d’ appeler un taxi, plutôt que de marcher avec ma valise jusqu’à Nation, me prend. Le véhicule commandé, parti de Daumesnil, s’arrête devant la porte cochère. Un gnome macroscopique en sort, à l’ allure ventripotente;  je lui donne ma valise pour la déposer dans le coffre. « Mettez tout là-dedans » me lance  t-il. Je ne lui laisse alors que mon deuxième sac à dos et préfère garder avec moi mes deux autres besaces où sont rangés documents et ordinateur portable, humant dans cette invitation apparemment généreuse une astuce pour me soutirer davantage d’argent. Car,  il faut le savoir: à partir du deuxième bagage de plus de cinq kilos – ou colis dit « encombrant », « il pourra être perçu un supplément d’un euro par bagage » dixit la fiche tarifaire de la Préfecture de Police. On admirera la latitude généreusement concédée à la subjectivité du conducteur, entre l’expression de la possibilité et la perception de la nature encombrante de l’objet – avec au final une conclusion:  tout ce qui prend de la place peut être considéré comme encombrant…Je prends la température et demande avec décontraction, la confirmation du temps de trajet et de la fluidité de la circulation, histoire de suggérer que je n’ai pas de temps à perdre. « Trente minutes ». Je m’étonne de cette largesse, sachant d’expérience qu’une bonne vingtaine de minutes suffit à cette heure matinale. De quoi sentir   mes espoirs de coopérativité fondre, et commencer à serrer les dents. Une camionnette de livraison boulangère et volià mon chauffeur qui fait un détour, dont je doute qu’il s’agisse d’un raccourci, mais au moins m’est-il épargné une immobilisation inutile. « Vous venez d’où ? du Canada ? il y a plein de canadiens maintenant à Paris » me lance-t’il. Parce que j’ai la dégaine d’un étranger ? Manière sans doute de tester ma connaissance de la réglementation, et de voir ce qu’il va bien pouvoir me soutirer ne puis-je m’empêcher de penser… La voiture s’engage enfin sur le périphérique,  prend peu à peu son allure de croisière, quand un bon kilomètre avant la Porte de Bagnolet, où l’on sort pour rejoindre l’A3, j’observe la main droite se détacher du volant pour faire basculer le tarif Paris au tarif banlieue, anticipant largement la réglementation.  Un ou deux euros de plus ça ne fait pas de mal en ces temps de crise , n’est ce pas? Un bon quart d’heure plus tard, nous voilà sur le parking du terminal à Roissy. Le compteur affiche quarante-quatre euros quarante. J’avais hélas le malheur de ne pas avoir l’appoint et je tends un billet de cinquante euros. Subitement, la facture grimpe de trois euros supplémentaires. « Pour les bagages. » – Comment cela ?, m’indignai-je. J’argumente:  » Le supplément ne concerne que les bagages de plus de cinq kilos déposés dans le coffre, et le mien ne faisait pas cinq kilos. « – Je ne les ai pas pesés, je n’ai pas de balance, me répond-t’il, me tendant  deux euros cinquante de monnaie – soit en arrondissant au demi-euro le plus favorable pour lui, sans mon accord. Prudent, je  récupérai mes effets, arguant que ça  n’allait pas ce passer comme cela, que je porterai plainte auprès de la Préfecture de police dont l’adresse figure au dos du reçu. De quoi le terroriser bien sûr et me confirmer que c’était une façon bien désagréable de débuter une journée…

Par Gilles Moiné-Charassier

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