30 juin 2019
Bellini épuré au service de la musique à Liège

Pour refermer sa saison, l’Opéra de Liège met à l’affiche le dernier ouvrage de Bellini, Les Puritains, dans une version intégrale, sans les coupures et aménagements usuellement pratiqués. Confiée à Vincent Boussard, la production met en abyme le drame historique du Comte Pepoli – basé sur une pièce d’Ancelot et Boniface – dans la vie même du compositeur. Ainsi l’Angleterre de Cromwell, parenthèse antimonarchique dans l’histoire du pays après la décapitation de Charles Ier, est-elle encadrée par un prologue et un épilogue dans les salons romantiques où évoluent le musicien italien et sa gloire avidement recherchée.

Le rideau se lève sur un décor aux tonalités granitiques, dessiné par Johannes Leiacker, et habillé de vidéos – conçues par Isabel Robson – et de voiles, signes efficaces de la mémoire, du songe et des hallucinations, au diapason d’une partition qui sollicite l’évocation onirique, tant au point de vue de l’action que de la virtuosité stratosphérique qu’elle exige. Cette conception décantée, appuyée par les lumières tamisées de Joachim Klein, et nourrie de rhizomes herméneutiques, à l’exemple du piano au milieu du plateau, reflet du destin de Bellini cœur de l’histoire anglicane, ou du double dansé d’Elvira, se tient à juste distance de la relecture iconoclaste et du carton-pâte, et n’oublie pas la caractérisation temporelle, assumée, sans exclusive, par les costumes de Christian Lacroix, austères comme la moralité des personnages : si les femmes arborent un mode d’époque, les hauts-de-forme masculins appartiennent à l’âge romantique. Sans verser dans l’abstraction, l’économie visuelle se concentre sur l’essentiel, et la ressource des symboles, pour se faire l’écrin des voix, sans servilité cependant.

Un plateau magistral

La distribution réunie par Stefano Mazzonis di Pralafera défend vaillamment la quintessence du belcanto qui distingue l’oeuvre, avec un quatuor de premier plan. Lawrence Brownlee affirme un Arturo ardent, alliant l’élégance d’une ligne souple et aérienne à un brillant secondé par une musicalité aussi instinctive que raffinée. Zuzana Markova module avec intelligence son investissement dans le rôle écrasant d’Elvira, pour ne pas fragiliser de saisissantes sorties de scènes, conjuguant la santé des aigus avec la justesse de l’incarnation. Mario Cassio condense la jalousie de Riccardo, avec une pâte solide et mordante, à côté de laquelle l’autorité paternelle du Giorgio robuste de Luca Dall’Amico se révèle complémentaire. Les interventions d’Enrichetta, assurées par Alexise Yerna ne manquent pas de présence, résumant le trouble de la souveraine en fuite. Mentionnons également les apparitions de Zeno Popescu, en Roberton, et celles d’Alexei Gorbatchev, en Walton, qui ne déméritent aucunement. Préparés avec attention par Pierre Iodice, les choeurs endossent leur office exigeant, tandis que dans la fosse, Speranza Scappucci fait vivre la délicate toile orchestrale qui soutient le chant, sans se contenter d’un simple accompagnement. Une magistrale fin de saison à l’Opéra de Liège !

Par Gilles Charlassier

Les Puritains, Bellini, Opéra de Liège, juin 2019

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