Les fêtes viennent tout juste de s’achever que le Ballet Preljocaj nous a fait partir au son de pales d’hélicoptères à Garnier tandis que l’Athénée nous plie en quatre avec Offenbach. Mais c’est à Amsterdam que l’on s’en ira d’abord pour le mythique Einstein on the beach de Philipp Glass, mis en scène par Bob Wilson et une chorégraphie imaginée par Lucinda Childs – jusqu’au 12 janvier, une des rares étapes européennes de la tournée avec Montpellier, l’année dernière, et Bologne, un peu plus tard dans l’année.
C’est cependant en Espagne que les choses se passeront. A Madrid, le même Glass crééra le 22 janvier un opéra sur la vie de Walt Disney au Teatro Real, The Perfect American, tandis que deux jours plus tard, Valence invitera Placido Domingo pour I due foscari, un Verdi méconnu : rien de tel pour inaugurer le bicentenaire de la naissance du compositeur italien. Barcelone ne restera pas sur la touche. Un peu plus tôt dans le mois, Anna Netrebko fera ses débuts au Liceu dans l’extraordinaire Iolanta de Tchaïkovski en version de concert, après la production de Sellars vue à Madrid en janvier dernier, alors que s’achèvera la série de représentations de la Rusalka revisitée par Stefan Herheim.
Il faudra attendre la deuxième moitié du mois pour que Paris sorte de son assoupissement. Alors que Bastille reprendra à partir du 22 janvier la trop rare Khovantchina de Moussorgsky, le Châtelet programme à partir du 25 janvier une pièce que Kurt Weill a composé pendant son exil américain, Street scene. L’Opéra Comique donnera quant à lui une merveille de Charpentier, David et Jonathas, jouée à Aix l’été dernier affublé d’un décor très scandinave de Andreas Homoki – à écouter les yeux fermés, sous l’excellente direction de William Christie.
Deux inaugurations et deux Renardes
En province, les regards se tourneront vers Bordeaux qui inaugurera enfin son Auditorium le 24, quelques jours après la réouverture du Nouveau Siècle à Lille. Janacek va être mis à l’honneur avec deux productions de La petite renarde rusée : à Lyon dans la production d’André Engel – jusqu’au 1er février – et à Strasbourg dans celle de Carsen à partir du 8 – la maison alsacienne redonne les mythiques cycles Puccini et Janacek que le prolifique canadien avait donné à l’Opéra de Flandres il y a presque vingt ans. Sans doute parmi ses meilleures créations. On regardera aussi du côté de la Normandie où Rouen donne pour la deuxième année consécutive un opéra participatif, cette fois autour de l’Enlèvement au sérail de Mozart, reprenant une initiative lancée il y a quelques années en Italie et qui a essaimé un peu partout depuis. Une façon innovante d’initier les enfants et les jeunes à l’art lyrique – du 29 janvier au 3 février.
Alors que l’Opéra de Paris reprendra le médiocre Ring de Regietheater du metteur en scène Gunther Krämer, heureusement métamorphosé par la direction de Philippe Jordan, miraculeuse de raffinement, le Théâtre des Champs Elysées programmera La Favorite de Donizetti, mise entre les mains de l’excellent Paolo Arrivabeni – du 7 au 19 février. Habitués à surprendre – souvenons-nous des Deux Veuves – , Nantes et Angers nous emmeneront au cœur de l’Allemagne nazie avec La rose blanche d’Udo Zimmermann – jusqu’au 10 février. On prendra ensuite une cure de cruauté avec la Platée de Rameau à Versailles – chantée par l’inénarrable et inoxydable Paul Agnew, maître ès baroque français – du 17 au 22 –, avant une pause hivernale, agrémentée cependant de Ciboulette, délicieuse opérette de Reynaldo Hahn à la salle Favart – du 16 au 26 février.
Haneke à Madrid et Badinter à Lyon
Tout repart avec les premiers bourgeons. A Madrid, Michael Haneke proposera sa vision de Cosi fan Tutte, du 23 février au 17 mars, tandis que Bruxelles, qui recevra par ailleurs cette production en juin, crééra La Dispute de Benoît Mernier, sous la baguette de Patrick Davin et avec un aéropage de la relève du chant français – du 5 au 19 mars, en alternance avec Lucrezia Borgia. Rouen crééra l’évènement avec un opéra sur Lolo Ferrari, le 8 mars. Mais le point d’orgue sera certainement le mini-festival à l’Opéra de Lyon, rendez-vous désormais consacré. Cette année le thème sera la justice et Robert Badinter signera avec Claude son premier livret d’opéra – d’après Victor Hugo, musique de Thierry Escaich et mise en scène d’Olivier Py – du 27 mars au 14 avril.
A Paris, on se penchera surtout sur la danse : le 6 mars, on commémorera la vingtième anniversaire de la mort de Noureev, étoile mythique s’il en est, tandis que se prépareront les festivités du tricentenaire de l’école de danse qui culmineront avec le gala du 15 avril – gala AROP et glamour garantis, à prix majorés bien entendu…
Printemps provençal et alsacien
Année Wagner oblige, les cycles ne peuvent plus se compter. Pour son festival de Pâques, Salzbourg prévoit un Parsifal dans la plus pure tradition germanique sous la baguette de Christian Thielemann, en parallèle à celui de la Staatsoper de Vienne, qui réserve pour juin un Tristan de grand luxe, mis en scène par David McVicar et dirigé par Franz Welser-Möst.
Tout au long du printemps, Jérôme Corréas donnera Le Retour d’Ulysse de Monteverdi de Massy à Versailles et de Reims à Nice. On pourra réentendre à Avignon la Rosine de Karine Deshayes – le Barbier de Séville de Rossini – les 7 et 9 avril 2013 – la maison provençale aura d’ailleurs le courage de s’essayer au cours de l’année à Wozzeck de Berg en janvier et Jenufa de Janacek en mars, qu’elle n’avait jusqu’alors jamais encore donnée sur ces terres de bel canto – avant dix jours plus tard deux bijoux de Poulenc, La Voix humaine et La Dame de Monte-Carlo.
Après Le Son lointain de Strasbourg en octobre dernier, on pourra approfondir à Cologne l’ exploration de l’univers de Schreker avec Les Stigmatisés, à partir du 20 avril. Et l’on ne manquera pas à Strasbourg toujours le Nadir de Sébastien Guèze, accompagnée par la Leïla d’Annick Massis en mai dans les délicieux Pêcheurs de perles de Bizet, bénéficiant décidément d’un – juste – retour en grâce après la production de l’Opéra Comique en juin dernier. Plateau de grand style et baguette intelligente de Patrick Davin. A ne pas manquer.
On pourra également se distraire avec Hansel et Gretel à Garnier, mais c’est surtout la mésestimée Gioconda que l’on ne manquera pas à Bastille, dans les décors d’une sans aucun doute sobre élégance de Pier Luigi Pizzi. A l’Athénée, on surveillera le Blanche-Neige de Marius Lange, du 20 au 26 avril, et Ariane à Naxos de Strauss avec les anciens pensionnaires de l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris – du 14 au 19 mai.
Signes et sable fin
Mais voilà bientôt la fin de la saison. L’Opéra de Paris se déserte avec un cycle du Ring qui monopolise les forces de la maison, où il reste un peu de place à Garnier pour le Giulio Cesare en demi-teinte de Laurent Pelly, avant le retour de Signes à Bastille. Le ballet de Carolyn Carlson, sur les toiles d’Olivier Debré et la musique de René Aubry, qui a vu l’élévation au firmament de l’étoile Marie-Agnès Gillot en 2004, compte désormais parmi les classiques, au même titre que La Sylphide qui se jouera pendant ce temps sous les ors du vieil opéra – jusqu’au 15 juillet. Début juin, Favart nous aura rafraîchi avec Marouf le Savetier du Caire, d’Hans Rabaud, avec la troupe de jeunes chanteurs qui nous aura aussi fait redécouvrir la Cendrillon de Pauline Viardot quelques semaines avant. Versailles et son festival Haendel nous gratifieront d’un Alessandro avec tout l’aéropage du baroque et une mise en scène de Lucinda Childs, tandis que l’on regrettera que Benvenuto Cellini ne soit donné qu’en version de concert au Théâtre des Champs Elysées – 31 mai et 1er juin. Ce sera d’ailleurs un autre Berlioz, Les Troyens, également en concert, qui un mois plus tard sera mis à l’honneur à Marseille, capitale européenne de la culture en 2013 alors que le festival d’Aix-en-Provence battra son plein. Il restera à tremper ses pieds à Barcelone entre Lucio Silla et Rienzi – du 21 juin au 7 juillet – avant de faire ses valises pour les festivals. Mais l’on vous en reparlera.