C’est vrai qu’il était attendu, ce mardi sur le perron de Matignon, le Premier ministre. Et même annoncé dans le communiqué de presse. Mais « chat échaudé craint l’eau froide » semble-t’il…Entre l’affaire des 35 heures suite à son entretien dans Le Parisien du matin-même et les manifestants contre le nouvel aéroport de Nantes, Jean-Marc Ayrault s’est fait discret à l’issue de la signature des « contrats d’avenir » et c’est seuls que Michel Sapin, Josette Borel-Lincertain de la région Guadeloupe, et Ségolène Royal se sont pliés de bonne grâce au rituel des interviews de la vingtaine de journalistes présents, ainsi que les jeunes dont on sentait, à l’issue d’une cérémonie d’une heure, qu’ils avaient été priés de ne pas parler de leur situation personnelle et de tenir, à l’unisson des signataires, un seul et même discours, comme un leitmotiv : « ces contrats sont une grande chance, tout le monde est ravi, nous avons toute confiance ».
Cinquante emplois et stages plus tard…
Ainsi, c’est pour parler des « contrats d’avenir » et signer les accords avec les différents partenaires (associations, régions, communes), que six jeunes de Marseille et de l’Essonne se sont retrouvés projetés sur le devant de la scène.
Il faut dire qu’avoir cumulé à eux six pas moins de cinquante emplois et stages, à de quoi motiver et légitimer la promotion des « petits derniers » de la grande famille des « solutions concrètes pour réduire le chômage » dixit les acteurs présents de la mise en place desdits engagements qui devraient concerner 250 000 jeunes.
Reste que l’ennui se fit quelque peu sentir en salle de presse comme sur l’estrade. Ségolène Royal, présente en tant que présidente de région, a plaqué sur son visage un sourire figé fixant un point vague. Elle sortira de sa torpeur pour dérouler avec plaisir la liste des mises en place déjà effectuées dans son fief de Poitou-Charentes, pour y retourner sitôt le micro tendu à ses confrères.
Oui, mais après ?
Les jeunes, eux étaient forcément plus motivés, la parole leur ayant été laissée longuement; l’occasion d’exprimer leurs besoins, attentes et espoirs autour de « mots-clefs » tels que « formation », « suivi », « secteur privé », « emploi d’avenir ». Ils étaient là pour ça et ne s’en sont pas privés. Une jeune femme, Komo, et un jeune homme, Florent, se sont tout de suite disputé le temps de parole pour dire tout ce qu’ils attendaient de la société pour enfin les aider à s’insérer.
Ainsi un étrange malaise s’est installé dans la salle de presse tandis que les jeunes débitaient leurs attentes, sans parler de leurs engagements personnels, sous les regards et hochements de tête consensuels de Jean-Marc Ayrault et de Michel Sapin assis à côté d’eux. Ces jeunes, de 18 à 25 ans, que l’on a voulu représentatif de toute la jeunesse de France « qui ne s’en sort pas », semblent avoir pour mission première de montrer à quel point le gouvernement est « proche de ceux qui souffrent ».
Komo, de la région parisienne, enfoncera d’ailleurs le clou avec un « oui, mais après ? Que ferez-vous pour nous si ça ne marche pas ? », malgré les encouragements explicites des signataires qui répètent à l’envie qu’ils ont « besoin d’eux », et qu’ils « feront tout pour que ça marche ». Heureusement, l’animateur détendit l’atmosphère avec des petites phrases moins « politiquement correctes » et authentiquement drôles, comme lors de la pose pour la photo de famille: » Serrez-vous comme sur la ligne 12 à 8 heures du matin ! » De quoi obtenir d’authentiques sourires sur la photo…