29 décembre 2011
The New-Yorker – Tous pendus !

Maurizio Cattelan a réussi son coup: en présentant All au musée Guggenheim, en pleine ambiance de Noël, le choc est assuré. Lui l’Italien de Padoue, élevé au catholicisme pur et dur, le révolté du crucifix, présente son déluge de pendus, alors que dehors, dans les rues new-yorkaises, tout n’est qu’angelots joyeux et chorales enfantines à la gloire du vivant.

Certes, cette vaste rétrospective, la première de l’artiste, n’était pas son idée, mais celle de Nancy Spector, la conservatrice en chef du musée. Mais l’artiste timide a accepté, en posant ses conditions: toutes les œuvres sélectionnées devaient être accrochées du haut de la rotonde et disposées sans aucun ordre chronologique. L’effet est imposant: 128 sculptures suspendues formant un étrange mobile à étages, reflet de vingt années de travail que l’on découvre depuis la rampe en colimaçon. Ce n’est pas la première fois que la rotonde du Guggenheim est ainsi transformée: en 2008, elle accueillait la cascade de voitures et de néons de Cai Guo-Qiang et, trois ans plus tôt, Daniel Buren y dressait les miroirs de « L’Oeil du Cyclone ». L’originalité réside cette fois dans la nudité de la galerie que le visiteur arpente jusqu’à la verrière. Avec All, Tout est au centre. Et la mise en scène est très réussie.

Une drôle d’impression

Que dire maintenant des œuvres elles-mêmes? Drôle de crèche, c’est certain, avec ses nombreux animaux empaillés. Un cheval tracté (Novecento, 1997) happe le regard dès l’entrée, les ânes – que d’ânes! -, tantôt épuisé (Untitled, 1993), tantôt effrayé en concert avec chien, chat et coq terrifiés, tout droit sortis d’un conte des frères Grimm (Love Saves Life, 1995), la lourde vache aux cornes en poignets de Vespa (Untitled, 1997), ou encore pigeons pouilleux (Tourists, 1997) et écureuil suicidaire (Bidibidobidibooo, 1996) forment un étonnant spectacle. Et d’étranges santons: comme ces enfants de cire grandeur nature, la corde au cou (Untitled, 2004), qui firent scandale sur la place du 24-Mai à Milan, l’effigie de Picasso (Untitled, 1998), tête énorme et bras au ciel – le ravi de la crèche? -, John Fitzgerald Kennedy dans son cercueil ouvert (Now, 2004), ou encore Hitler en culotte courte agenouillé (Him, 2001), côtoyant des policiers new-yorkais renversés (Franck and Jamie, 2002). La dernière pièce de Cattelan, le doigt d’honneur en marbre de carrare (L.O.V.E, 2010) fait écho à l’anéantissement de l’autorité papale, le célèbre Jean-Paul II terrassé par une météorite (Nona Ora, 1999), figure emblématique de la rétrospective, vendue trois millions de dollars par Christie’s en 2004 et qui a définitivement offert à Maurizio Cattelan sa place au Panthéon des artistes contemporains les mieux vendus au monde.

Face à cette avalanche de poupées de cire, d’animaux taxidermisés, d’objets et de photographies géantes, il y a de quoi sourire – toujours l’humour et la dérision chez Cattelan -, de quoi détester – Roberta Smith du New York Times n’a pas du tout aimé – et de quoi se sentir mal à l’aise par l’impression morbide de ce suicide collectif. Bref, de quoi faire le plein de provocation, avec cette ultime pirouette de l’artiste: après All, Cattelan dit vouloir se retirer du monde de l’art… Excès d’orgueil? Fort possible que le facétieux Italien succombe à l’un des sept péchés capitaux.

Par Elisabeth Guédel

Maurizio Cattelan: All, musée Solomon R. Guggenheim de New York, jusqu’au 22 janvier 2012.

 

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