19 novembre 2011
The New Yorker- Et de deux!

Deux mois déjà! Occupy Wall street a fêté jeudi 17 novembre cet anniversaire comme il se doit- en fanfare. Car, en prévenant à l’avance qu’ils comptaient empêcher l’ouverture de la bourse de New York, les manifestants étaient assurés de faire le plein de journalistes et de policiers. Dès l’aube, dans le quartier du New York Stock Exchange (Nyse), au sud de Manhattan, les protagonistes étaient en place. La mission des anti-Wall Street s’annonçait toutefois impossible. En temps normal, et depuis dix ans, il faut passer trois postes de sécurité pour pénétrer dans le bâtiment; pas étonnant qu’en ce jour d’action, toutes les rues menant à la bourse ne soient barricadées. Les centaines de manifestants ont toutefois tenté de forcer les barrages et se sont affrontées aux forces de l’ordre. Quelques arrestations et  blessés plus tard, la cloche du Nyse a bien retenti à 9h30, comme à son habitude. Mais dans un chahut inhabituel à l’extérieur du temple de la finance. La journée s’est ensuite déroulée sans incident majeur, avec des manifestations au parc Zuccotti, le QG des “99%” depuis le début du mouvement, et au square Foley, quelques centaines de mètres plus loin. Des défilés ont émaillé les rues et le métro new-yorkais. C’est en fait dans la soirée que le mouvement a remporté son pari: les rangs des manifestants ont grossi pour former une marche pacifique sur la partie piétonne du pont de Brooklyn, le plus célèbre de Manhattan. Des milliers d’indignés, chômeurs, étudiants, professeurs, membres de syndicats et New yorkais solidaires, ont ainsi défié le froid et les sceptiques.
Bilan de la journée anniversaire: 250 arrestations, une quinzaine de blessés – manifestants et policiers – et des images diffusées dans le monde entier. Les affrontements ont été plus impressionnants à la télévision qu’en réalité sans qu’aucune bande de casseurs ne soit venue jouer les trouble-fête – pas sûr qu’en France cela aurait été le cas…
Policiers et protestataires avaient été bien briefés: rester calme face aux provocations pour les premiers, maintenir l’image pacifiste du mouvement pour les seconds. Une journée d’action qualifiée, par les médias américains, de réussie à New York et, plus modestement, dans une dizaine de villes du pays dont Washington, Dallas, Chicago et Los Angeles.

Quel avenir?

Aujourd’hui, c’est lendemain de fête. Et la question sur toutes les lèvres: que va devenir Occupy Wall Street? En deux mois, le mouvement de contestation ne s’est pas unifié et n’a pas désigné de leader. Il y a bien quelques personnalités charismatiques, comme l’anthropologue David Graeber. Âgé de 50 ans, habitué des manifestations anti-capitalistes et étiqueté anarchiste, il fut l’un des organisateurs de la première heure du mouvement. Mais il n’a pas pris le leadership. Les revendications, même si elles tournent toutes autour des inégalités économiques, restent très, trop diverses: du ras-le-bol général face à la puissance de la bourse, à la baisse des impôts pour les 99% et la hausse pour les 1% – quelques riches hommes d’affaires sont venus se joindre au mouvement pour réclamer d’être davantage imposés – en passant par la dénonciation des frais de scolarité et des prêts étudiant exorbitants… Le slogan « Nous sommes les 99% », scandé depuis le début du mouvement, est un bon message mais il est insuffisant, estiment des experts en marketing interrogés par le Huffington Post. Le mouvement aurait même quitté la Une des médias si Michael Bloomberg  maire de New York, bien involontairement, n’avait à nouveau braqué les projecteurs sur lui à deux reprises cette semaine: tout d’abord en faisant évacuer le parc Zuccotti, de force et par surprise, dans la nuit du lundi 14 au mardi 15 novembre. Puis jeudi après-midi, en  raillant l’importance de la mobilisation. « La vraie histoire pour les journaux de demain, c’est qu’il n’y avait pas tant de monde que cela », a-t-il déclaré en conférence de presse. Il n’en a pas fallu plus pour décider les indécis à venir gonfler le nombre des manifestants sur le Pont de Brooklyn, faisant dire au commentateur politique Keith Olbermann que Bloomberg en devient le meilleur publicitaire.

Apolitique

Le mouvement se veut toujours apolitique. Mais en cette année de campagne présidentielle, il sera difficile de le rester. Les tentatives de récupération du mouvement vont se multiplier à l’approche des échéances. Des élus se sont déjà prononcés en faveur des anti-Wall Street, telle Nancy Pelosi, la chef de file des représentants démocrates au Congrès. Le président Barack Obama a dit comprendre l’expression de “la frustration” de ses concitoyens. Quand aux Républicains, hostiles au mouvement en général, certains y voient toutefois la preuve bien opportune de l’échec de l’actuel locataire de la Maison Blanche. Des lobbyistes de Washington tentent enfin de diaboliser les contestataires. Le cabinet de conseil Clark Lytle Geduldig & Cranford propose ainsi à ses clients, dont l’Association des banques américaines, un plan de 60 jours pour « construire un récit négatif » sur Occupy Wall Street, campagne de dénigrement à diffuser dans les médias. Coût du service proposé: $850.000. Pas sûr qu’il y ait acheteur…

 par Elisabeth Guédel

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