13 février 2012
The New Yorker- ABC en panne ?

En cette saison de remise de récompenses, la série « Modern family » vient de remporter le Golden Globe de la meilleure série comique et un Screen actors’ guild award pour la meilleure distribution dans une série télévisée comique.
Mais, tous les programmes d’ABC ne peuvent en dire autant… La chaîne privée a  ses casseroles- aussi. Dernière en date, la série Work it, qui a été tout bonnement annulée après seulement deux épisodes! Le taux d’audience très décevant y est sans doute pour quelque chose : le pilote diffusé le 3 janvier n’a rassemblé que 6,16 millions de téléspectateurs et le deuxième épisode 4,9 millions. Preuve que les Américains savent encore boycotter un programme au goût douteux.

Les femmes préfèrent les salades

Le pitch pourrait tenir du burlesque – deux hommes au chômage décident de se travestir pour décrocher un emploi – s’il ne reposait sur l’idée problématique que le monde actuel rend la vie plus facile pour la gent féminine. “Elles sont en train de reprendre le monde du travail”, explique l’un des personnages secondaires dès les premières minutes du pilote. “Bientôt elles n’embaucheront plus que des femmes et les hommes seront réduits à être des esclaves sexuels. Et pas de ceux qu’on aime! Des esclaves de bisous et de câlins!”

S’ensuivent de multiples caricatures : les femmes préfèrent les salades aux sandwichs, sont adeptes de shopping, les unes sont des pestes, les autres des hystériques. Pire : lors d’un entretien d’embauche, une recruteuse est frappée du niveau de connaissance de Lee (alors déjà travesti), sans comparaison avec celui des candidates imbéciles qu’elle a vues. Son intelligence est flattée mais son sens de la mode, par contre, est mis à l’amende. Lee et Angel, joués par  Ben Koldyke et Amaury Nolasco, sont perchés sur des talons qu’ils ne maîtrisent pas, dans des tailleurs datés et avec un maquillage grossier. Ridicule et qui ne fonctionne pas du tout ici.

Sexiste et transphobe

En plus d’être fondamentalement beauf (le mot est inévitable), Work it était donc sexiste et politiquement incorrect. A tel point que nombre d’associations sont montées au créneau avant même la diffusion nationale. Ainsi, le GLAAD (Alliance gay et lesbienne contre la diffamation) en tête a publié une annonce pleine page dans le Daily Variety, magazine de référence en matière de divertissement, spécialisé dans l’industrie du cinéma et de la TV. Cette campagne parue en décembre explique que, “en encourageant le public à rire des tentatives de féminité des protagonistes, l’émission ouvre la voie à des traitements similaires de femmes transgenres.”

De pair avec la Human Rights Campaign (HRC), le GLAAD redoute le renforcement des stéréotypes tels que “la croyance erronée selon laquelle les femmes transsexuelles ne sont que des hommes qui font semblant d’être des femmes et que leurs efforts pour vivre en tant que femmes ne sont qu’une forme de mensonge”, précise le président de GLAAD, Mike Thompson, qui a rencontré les représentants d’ABC.

Quand la bêtise ne paye plus

Modern family est un exemple parmi d’autres, comme Grey’s anatomy, de séries qui mettent en scène des couples homosexuels, tandis que ABC est reconnue pour ses efforts aussi envers les transsexuels. Pour les associations, le problème était donc bien le programme et non la chaîne. Paul Lee, président de la branche divertissement chez ABC, a simplement admis qu’il “pensait qu’il y avait la place pour une émission très très très bête.”

Mais à y regarder de plus près, Work it n’est malheureusement pas un cas isolé. Il était programmé en remplacement de Man up, lui-même annulé en cours de route après huit épisodes à l’audience restreinte. “Sois un homme!”, littéralement, était présenté comme l’histoire de “trois mecs modernes en quête de virilité, qui cherchent à redéfinir ce que c’est qu’être un homme”, notamment pour ressembler d’avantage à leurs pères et grands-pères GIs, tout en appréciant “une touche de noisette” dans leur café. Et tandis que CBS a aussi renoncé à un programme du genre (How to be a gentleman), une autre série sur la masculinité tient bon, elle, sur ABC toujours : Last man standing (Le dernier homme debout), à l’écran depuis octobre, raconte le quotidien d’un homme incarné par Tim Allen, dont le monde est régi par les femmes, en particulier à la maison où il vit avec son épouse et ses trois filles. Les temps sont durs pour les hommes, sur ABC.

 

Par Mathilde Fassin

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