20 février 2012
The Moscouer-Vladimir Poutine, en prison ?

Il y a quelques années, un groupe de jeunes filles a lancé un hit intitulé « Je veux un mec comme Poutine ». En effet, le Président russe cultive son image d’un grand sportif qui conduit un avion et un sous-marin, galope sur un cheval et fait de la plongée, bref, l’image d’un homme fort qui dirige un pays fort. Que s’est-il passé pour que subitement, ce super-héros devienne la risée de tous ? Il suffit de surfer sur le Net russe pour voir que Poutine de nos jours est le plus souvent traité comme un « voleur » et un « rat ». L’un des slogans phare de la dernière grande manifestation à  Moscou, le 4 février, était : « Ne remuez pas la barque : notre rat a la nausée ». Et pour que personne ne s’y trompe, le texte était accompagné du dessin d’un rat au visage de Poutine. Généralement, l’expression russe « Ne remuez pas la barque ! » est un appel au calme et à la stabilité. Ici, le sens habituel est détourné. Les gens en ont marre d’une stabilité à la Brejnev. Mais cette volonté du peuple qui veut que les choses bougent donne la nausée au rat Poutine.

Il y a quelques jours, des opposants anonymes sont allés encore plus loin. Un clip vidéo est apparu sur Youtube où, par un habile montage, Khodorkovski dans sa cage grillagée au tribunal moscovite est remplacé par Vladimir Poutine. On reconnaît le tristement célèbre juge Danilkine et autres membres du tribunal de Khodorkovski, on voit dans l’assistance la mère de Khodorkovski, alors que la voix off annonce que l’ex-premier ministre Vladimir Poutine est accusé d’escroquerie et pillage, ainsi que de terrorisme pour les explosions d’immeubles à Moscou et à Bouïnaksk en 1999. Il s’agit d’explosions qui ont produit une forte indignation de la population russe et ont permis à Vladimir Poutine de déclencher la seconde guerre tchétchène et de se positionner en défenseur de la Patrie. Il existe une forte présomption que ces explosions aient été organisées par les services secrets russes eux-mêmes.

Poutine, la risée du web

Le clip ne dure que 50 secondes, mais il a une dimension onirique : grâce au réalisme total des images, les gens peuvent s’imaginer le futur procès de Poutine, un dictateur déchu. En trois ou quatre jours, le clip a été visionné sur Youtube par plus de 4 000 000 de visiteurs, et seule la plainte du réalisateur du film allemand « Khodorkovski », Cyril Tuschi, pour plagiat, a mis fin à sa circulation à l’emplacement d’origine. Mais le clip a été repris par des dizaines de sites, de blogs, de pages Facebook, et il continue à circuler. Le seul hic, c’est qu’on ne peut plus comptabiliser le nombre de personnes qui l’ont visionné. Apparemment, le ton entre le pouvoir et l’opposition se corse. L’opposition radicalise son discours et exige haut et fort le départ de Poutine, ridiculisé et publiquement humilié, ce qui est incompatible avec sa stature d’un chef d’Etat autoritaire. De son côté, le pouvoir qui a essayé d’être « civilisé » et a autorisé les grands rassemblements de l’opposition commence à montrer ses griffes : la grande radio d’opposition, l’Echo de Moscou, dont 66% d’actions appartiennent au Gazprom, change son conseil des directeurs -ce qui ouvre ensuite la voie au licenciement du rédacteur en chef, Alexeï Venediktov, connu pour ses positions critiques ; d’autres médias de l’opposition, comme la chaîne télé sur Internet, Dojd, subit un contrôle fiscal ; la banque NRB du millionnaire Alexandre Lebedev qui soutient un nombre de médias d’opposition, comme Novaïa gazeta, vient d’être perquisitionné.

Ces mesures du régime donnent l’avant-goût de ce qui risque de se produire après la victoire électorale de Vladimir Poutine. Mais la répression est toujours un moyen dont l’issue est ambiguë : elle peut temporairement calmer « la barque », comme en Iran après la « révolte verte », mais elle peut produire également une énorme explosion de colère, comme en Syrie de nos jours. Et si c’est le deuxième scénario qui se réalise, le rêve de certains opposants de voir Vladimir Poutine derrière les barreaux pourrait se concrétiser.

Par Galia Ackerman

PS : Vadim Korovine, un diffuseur de films professionnel, vient de reconnaître publiquement qu’il a commandé la création du clip sur le procès de Poutine. Cet homme proche de l’opposition avait l’intention d’utiliser le clip en tant que teaser pour le film « Attentat contre la Russie » (titre original « Blowing up Russia »), sur les explosions d’immeubles à Moscou et à Bouïnaksk, en 1999. Le film fut créé en 2003, l’auteur du script, le transfuge du FSB Alexandre Litvinenko, fut empoisonné au polonium radioactif à Londres en 2006. En décembre 2011, le ministère de la Culture russe a autorisé pour la première fois la diffusion du film au cinéma et sur DVD en Russie, de même que celle de quatre autres documentaires créés par des cinéastes indépendants russes et biélorusses. M.Korovine a publiquement annoncé le début des projections à Moscou pour le 25 février 2012, mais le 2 février le ministère de la Culture a révoqué son autorisation. Un fonctionnaire du ministère a affirmé, sous couvert de l’anonymat, que la demande venait du Kremlin et que le ministre lui-même a subi des remontrances. Face à cette interdiction, Korovine a mis le teaser et le film lui-même sur Youtube (pour le film, cliquer ici) Apparemment, la censure en Russie a de beaux jours devant elle, mais pour l’instant, elle a du mal à contrôler Internet.

Articles similaires