21 décembre 2011
The Madrider – La fin de la siesta ?

La siesta en Espagne ? Comme le béret basque en France, une espèce en voie de disparition ! C’est ainsi. Les heures passées sur un sofa après un bon repas sont peu à peu reléguées au musée des traditions éculées. L’Espagne, en quête forcée de modernité, se débarrasse progressivement des clichés dont l’affublent ses voisins. Ce pays n’est plus ce qu’il  était. Pas par envie, par obligation !

Ni le temps ni le désir

Il y a quelques années encore, les villes étaient moins tentaculaires, les employés avaient le temps de rentrer chez eux. Ils fermaient leurs volets pour se protéger du soleil, déjeunaient et…  dormaient un peu. Excellent pour la santé, insistaient les médecins. Hélas, cette époque est en voie de disparition. L’Espagne « s’européanise » ! Les banlieues sont développées, les temps de transport s’allongent, les entreprises se décentralisent hors des villes. Le plaisir de la siesta est désormais réservé à quelques privilégiés, ceux qui  résident près de leur lieu de travail. Et encore ! Signe des temps modernes, les moeurs ont évolué. Les gens qui travaillent ne peuvent plus – ne veulent plus ! – faire la sieste. Ils n’ont ni le temps ni les moyens de s’offrir un long repas. Ceux-là préfèrent manger rapidement, sur le pouce, pour rentrer rapidement chez eux le soir. Et s’occuper de leur famille !
Par contrecoup, un débat national est né en Espagne : Le temps accordé à la pause-repas doit-il être réduit ?

Des pauses-repas de deux heures

En général, les espagnols cessent de travailler en hiver à 19 heures, soit 2 heures plus tard que le reste des employés européens.Résultat, ailleurs en Europe, la « pause-repas » dure entre 30 et 60 minutes, alors qu’en Espagne elle peut se prolonger pendant… 2 heures.
La question « pour ou contre la réduction de la pause-repas » est tellement d’actualité qu’une « Commission nationale pour la rationalisation des horaires de travail en Espagne » a été créée. Cela ne s’invente pas! D’après cette honorable Institution, les espagnols ont des « journées interminables » .Ils éprouvent beaucoup de mal à concilier leur activité professionnelle avec leur vie personnelle ou familiale, les femmes surtout… Et pan sur le bec de ceux qui prétendent que les espagnols sont des fainéants !

Un héritage de Franco

Alors, d’où vient cette tradition d’une longue pause-repas? D’abord, c’est trop connu, pour des raisons climatiques. De façon à permettre aux employés de récupérer, de bénéficier de la fameuse « siesta » récupératrice dans les régions de grande chaleur. Sans doute !
Certains l’expliquent aussi par le … décalage horaire « virtuel » observé entre l’Espagne et l’Est de l’Europe du Nord. La nuit, en effet, pointe plus tard en Espagne que chez ses voisins. Les journées de facto sont plus longues à Séville qu’a Reims ou à… Berlin, en raison de l’homogénéité –ridicule!- des horaires européens. En bonne logique, en effet, les montres de Madrid devraient afficher une heure de moins qu’ailleurs en Europe, comme celles de ses voisines Lisbonne ou Rabat. Elles ne devraient pas être alignées, comme c’est le cas aujourd’hui, sur celles de Paris ou de Bruxelles !

L’amusant, c’est que cette anomalie, c’en est une, serait héritée, de… Franco. Ce dernier voulait que son pays, fasciste, vive à la même heure que l’Italie de Mussolini ou l’Allemagne de Hitler.  Et surtout pas à celle de la Londres Gaulliste. Les envies de Franco et leurs incidences sur la pause-repas ! Dur à avaler, tout de même !

Pierre Cayrol

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